MA MÉMOIRE ASSASSINE

21 juin 2015

Roman de

Young-Ha Kim

Édité chez

Philippe Picquier

Date de sortie
6 mars 2015
Genre
Policier
Pays de l'auteur
Corée du sud

corée

C’est un vieux monsieur. Le genre de bonhomme qui pliant sous le poids de l’âge, ne manquerait pas , si vous le croisiez un jour dans la rue , de vous attendrir par sa démarche maladroite et sa fragilité évidente. Et sans doute qu’avec beaucoup de compassion l’aideriez-vous alors à traverser la chaussée.

Jamais, à aucun instant, vous ne supposeriez alors que cette personne pour laquelle vous témoignez ce respect dû aux anciens, que cet être si frêle qu’une brise pourrait bien faire chuter,  ait durant son existence, fait passer de vie à trépas des dizaines de personnes. Et pourtant…

 A 72 ans, Kim Byeong  Su est un vétérinaire à la retraite. Mais il est surtout un ancien tueur en série qui a cessé ses activités létales depuis près de vingt cinq ans,vieux coréen depuis qu’un accident de voiture et une opération au cerveau lui ont ôté le plaisir de tuer.

Il laisse depuis les années buriner son corps des traits de la vieillesse, se distrayant de la compagnie de sa fille adoptive avec laquelle il vit et qui s’occupe maintenant de lui, tout  en s’adonnant à la poésie et la philosophie.

Une fin de vie paisible.  Sauf que depuis quelques temps la mort rôde dans le quartier, où un assassin sévit. Kim est donc inquiet pour sa fille d’une trentaine d’année qui a pour habitude de sortir  armée de sa seule insouciance.

Lors d’un banal accident de circulation au cours duquel Kim Byeong Su a accroché une Jeep, celui ci repère du sang à l’arrière du véhicule. Et le comportement bizarre du conducteur finit de le convaincre , il en est sûr, qu’il s’agit du tueur en série.

seoulMais impossible de le dénoncer à la police sans se mettre soi-même en danger et prendre  le risque de lancer les enquêteurs sur la piste de son propre passé criminel.

Or le danger se fait encore plus pressant quand un jour sa fille lui présente de manière inattendue l’homme qu’elle compte épouser très rapidement. Et cet homme n’est autre que Pak Ju Tae, celui là même qu’il soupçonne d’être le tueur recherché.

Kim Byeong  Su n’a plus d’échappatoire. S’il veut sauver sa fille en danger il va falloir qu’il reprenne du service et élimine lui même la menace.

Mais si déjà à 72 ans,  retrouver les automatismes de son art n’est déjà pas chose évidente, que dire quand en plus la maladie d’Alzheimer vous ronge la mémoire ! Qu’elle vous oblige a tout consigner dans un carnet pour vous rappeler le nom des gens , les choses de la vie quotidienne, et la promesse que vous vous êtes faite d’assassiner quelqu’un.

De ce détail va naître toute l’originalité de ce roman signé Kim Youg-Ha ! Car celui ci ne ressemble en rien de ce que pourrait attendre le lecteur habitué aux productions européennes et anglo-saxonnes.

J’ai lu peu d’auteurs asiatiques jusqu’ici , mais ceux que j’ai pu lire ont en partage cette finesse dans leur construction narrative, cette précision d’une mécanique scénaristique pensée dans ses couteau-ensanglanté
moindres détails et cette spécificité à baigner le lecteur dans un univers de faux semblants, de jeux de miroirs dans lequel celui ci se retrouve prisonnier jusqu’à ce qu’il retrouve la lumière de la vérité qui n’est jamais celle qu’il pensait avoir devinée.

Nous suivons donc ce personnage qui s’effrite au temps. Cette situation d’un tueur en série perdant la mémoire pourrait prêter à sourire si l’auteur ne dépeignait pas finalement une déchéance pathétique de son personnage.

Et c’est autour de lui que tourne tout l’intérêt du roman. Lui dont les souvenirs de la veille s’envolent au vent de l’oubli quand ne lui restent que ceux plus anciens de sa vie d’autrefois.

Son enfance, son père violent qui fut aussi sa première victime. Et ces meurtres dont il tente désespérément de retenir le souvenir, comme on retient des ballons, comme la trace de son identité passée qui pourtant pourraient lui donner une nouvelle innocence s’il les laissait finalement s’envoler eux aussi.

Mon histoire ressemble un peu à celle d'Ulysse dans l' Odyssée (...) Ce que souhaitent les sirènes et Calypso c'est qu'il oublie l'avenir et reste prisonnier du présent. Mais Ulysse ne renonce pas et n'a de cesse de combattre l'oubli pour pouvoir retourner chez lui (...) En perdant la mémoire on perd aussi son humanité(...)

Quelle différence entre un malade d'Alzheimer et un animal? Aucune. Tout deux mangent, évacuent(...) et meurent. C'est justement ça qu' Ulysse refuse. En n'abandonnant jamais son projet d'avancer vers le passé tout en essayant de se souvenir du futur.- C'est pourquoi mon projet de tuer Pak Ju Tae est aussi une sorte de retour dans mon pays natal dans ce monde que j'ai quitté il y a vingt cinq ans.

“Ma mémoire assassine” est un magnifique roman  sur le rapport au temps à travers l’histoire de cet homme dont la lucidité et avec elle son humanité se dissolvent peu à peu dans la maladie, et qui tue pour rester vivant.

Si vous avez aimé “La maison où je suis mort autrefois” de Keigo Higashino vous aimerez assurément “Ma mémoire assassine” de Kim Young-Ha. Sans doute un des meilleurs romans que j’ai lu cette année.

je-commande

souris

©Hippo

2 Commentaires

    • La petite souris

      YEEEEESSSSS !!!!! 🙂

      Réponse

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