911

22 juin 2014

Roman de

Shannon Burke

Édité chez

Sonatine

Date de sortie
22 mai 2014
Genre
Policier
Pays de l'auteur
U.S.A.

911. Trois petits chiffres insignifiants qui parcourent  les rues américaines au son des sirènes,  flockés sur des parois flamboyantes .Trois petits chiffres pour vous raccrocher désespérément à cette vie qui tente de vous fausser compagnie.

Ils sont là, parmi nous, prêt à agir avec une rapidité foudroyante. Une main qui se pose sur la votre, qui vous place une perfusion, vous décharge la puissance de la technologie pour faire repartir ce cœur usé par la vie ; une voix aussi, pour vous dire que tout n’est pas perdu, que ca va aller mieux. Ombres fugaces, parmi les lumières clignotantes, les cris et le bruit des appareils, c’est à eux que vous confiez le sort de votre existence.

 C’est dire si les ambulanciers, comme les pompiers sont des gens formidables, bravant tous les dangers pour vous porter secours.  On n’imagine pas une seconde ces soldats de la vie, autrement qu’en héros des temps modernes dont les événements du 11 septembre ont définitivement  gravé dans l’airain de nos mémoires collectives leur aura éternelle.

Le roman de Shannon Burke est une porte qui s’entrouvre sur cet univers. Mais le lecteur comprendra bien vite, en se présentant aux côtés de Ollie Cross à cette station d’ambulanciers de Harlem, que911-ambulance l’envers du décors est loin de s’approcher de  ce que l’imaginaire collectif offre en partage.

Ollie est un jeune homme de 23 ans qui a échoué à l’entrée en médecine. Le voilà donc qui se retrouver ambulancier stagiaire le temps de pouvoir à nouveau tenter sa chance l’année suivante. Il vit chichement dans un petit appartement, a une petite amie, et potasse dès qu’il le peut son manuel de médecine.

Très vite celui-ci va être confronté à la réalité d’un boulot que le jeune idéaliste qu’il est ne soupçonnait même pas. Passé le temps de son intégration et de son bizutage, le voici plongé dans un quotidien particulièrement glauque.

Des rues crasseuses  livrées aux rats, aux gangs, à la drogue et à la prostitution. Une zone de quasi non droit où survie comme un chien la lie de la société New Yorkaise. Une zone où les gosses agonisent une balle dans le ventre ou dans la tête, où les femmes toxicos encore sous l’emprise de leur dernier shoot accouchent de bébés mort-nés, et où les vieux crèvent dans l’indifférence générale. Un monde où la misère danse langoureusement avec le désespoir.

lklmSeuls ceux qui vivent comme vous ce quotidien fait de morts et de violence, où la vie semble parfois n’être qu’un éclair fugace de lumière, peuvent comprendre ce que vous ressentez. L’unité devient alors votre famille. On se serre les coudes, on se blinde face à ce monde en décrépitude et on tente de préserver comme un trésor au fond d’un coffre, le peu d’humanité qu’il vous reste.

Car cette vie est un combat, et Harlem une zone de guerre. Elle vous corrode et ronge de l’intérieur votre sensibilité au monde. Elle vous éloigne des autres , des parents, de Clara la petite amie qui finit par partir, et vous renferme sur vous même. Elle vous transforme. jusqu’au moment où vous devenez insensible, indifférent.  Survient alors la colère ou la résignation.

Il est difficile d’expliquer cette transition à quelqu’un qui n’a pas vécu ça, mais lorsque vous n’arrivez plus à dormir, lorsque votre vie vous semble complètement vide, que vous croisez la mort tellement de fois qu’elle en devient banale, que vous êtes dévoré par la culpabilité d’être vivant parmi les morts, alors vous finissez par devenir parfaitement insensible, immunisé contre les sentiments qu’éprouvent habituellement les gens.../...

Certains le deviennent, juste pour se protéger, juste pour rester vivant, quand pour d’autres ce n’est qu’une étape vers le grand basculement, ce point de non retour où l’on va trop loin, où l’on plonge trop profondément, où l’on en vientlok parfois à décider de qui doit vivre et qui doit mourir, et où l’on décide de régler définitivement ses comptes avec la vie.

Lorsque plus rien n’a de sens, y compris la vie ou la mort d’autrui, vous n’êtes plus qu’à un pas du mal. Et ce putain de pas est terriblement facile à franchir.

S.Burke

Shannon Burke

Avec “911 ”   Nous sommes loin des héros sans faille et inoxydables face à l’adversité colportés par l’imaginaire collectif. Shannon Burke nous présente une galerie de personnages abîmés par l’insoutenable qu’ils côtoient au quotidien,  des hommes mis en abîme qui sont toujours les premiers arrivés sur le théâtre du désastre humain et qui prennent de plein fouet cette réalité crue .

Il s’agit bien d’un roman. Mais quand on sait que l’auteur, Shannon Burke a été lui même ambulancier à une certaine époque on peut légitimement se demander si son livre de contient pas une part d’autobiographie.

C’est en tout cas un roman réussi, terriblement rugueux , cru, d’une force évocatrice impressionnante, et cependant emprunt d’une grande d’humanité. Sans intrigue, avec une narration minimaliste Shannon Burke nous offre la possibilité de suivre la transformation de ce jeune ambulancier idéaliste confronté au monde qui l’entoure. Mais jusqu’où ira cette transformation?

un bouquin des plus captivants de l’année.

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souris

copyright Hippo

12 Commentaires

  1. Pierre FAVEROLLE

    Salut Souriceau, quand mon dealer de livres m’en a parlé, cela m’a peu tenté. Après ton article, je vais retourner le voir. C’est quand même pas sympa de me tenter comme ça … mais je ne t’en veux pas ! loin de là ! Amitiés

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    • La petite souris

      un roman noir, bien noir, mais avec beaucoup d’humanité. Forcément un roman qui te plaira j’en suis certain !!! 😉

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  2. Claude Le Nocher

    Salut Bruno
    Sans conteste, un des meilleurs romans publiés en ce premier semestre 2014. Un témoignage beau et dur à la fois. Amitiés.

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    • La petite souris

      ah oui Claude, je partage tout à fait ton point de vue ! du coup je vais essayer de me procurer son premier roman qui parait il, est aussi très bien ! Amitiés 😉

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  3. gridou

    Merci pour cet article intéressant (et surtout pour les illustrations!!!:) )

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    • La petite souris

      avec plaisir ma Gridou ! j’espère quand même que l’article t’aura davantage intéressé que les illustrations, sinon je me fais hara-kiri 🙂

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  4. Tasha

    Ah, et un de plus qui me donne envie de découvrir ce roman. Je pense que je vais demander à ce que les journées passent à 48 heures histoire qu’il me reste du temps pour lire. Pourtant, je suis un peu méfiante, j’ai le vague souvenir d’un polar des années 90 (adapté au cinéma), A tombeau ouvert, sur un sujet un peu similaire, m’avait laissée de marbre à force de noirceur.

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    • La petite souris

      ” A tombeau ouvert” j’en ai entendu parlé sans l’avoir ni lu ni vu, je ne pourrai donc comparer les deux. Ce que je peux te dire c’est que pour ma part j’ai beaucoup aimé même si parfois les scènes sont dures, mais c’est un tableau hyper réaliste d’un univers que l’on idéalise un peu trop dans nos sociétés modernes, où l’on oublie que derrière l’uniforme se cache aussi des hommes, et que par nature , ils sont faillibles . 🙂

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  5. izagh

    Le titre du bouquin m’avait interpellé, et ta chronique est bien tentante. J’ai lu ce week-end une critique sur le Nouvel Obs qui est des plus flatteuses. Encore un à lire ! J’ai profité de mes vacances pour lire “La nuit des Corbeaux” de John Connolly dont j’avais apprécié ta chronique et je te dis “merci” : je me suis régalée !

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    • La petite souris

      Je pense que le roman ne te laissera pas indifférent, c’est un des meilleurs que j’ai lus cette année. Je suis très heureux de savoir que je t’ai donné envie de lire le roman de Connolly et qu’à l’arrivée celui ci t’ait plu !! j’espère que je ferai encore mouche à l’occasion 😉 Amitiés

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  6. Emilie

    Bonjour,M
    Merci pour votre chronique sur 911, que j’ai aussi beaucoup aimé ! En revanche la photo d’auteur que vous avez postée correspond à un autre Shannon Burke ! Gare aux homonymes sur Google 😉
    Amitiés.
    Emilie

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    • La petite souris

      Bonjour Emilie ! Merci beaucoup pour votre remarque judicieuse. L’erreur à été corrigé. Je vous contacte par mail pour une petite surprise ! 🙂

      Réponse

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