Disons le d’emblée, voilà une agréable surprise que ce roman signé Yann- Fanch LE FUR et publié aux Editions La Lettre Noire.
Il suffit parfois d’un cadre original, une époque particulière comme décors d’une trame policière, pour que tout de suite, un polar de facture classique prenne un tout autre relief, mis en valeur par les éclats de l’Histoire des Hommes.
Nous sommes en 1943, à Hawaï, au mois de décembre. Une semaine avant que le sceau de l’infamie ne vienne ternir à jamais l’honneur de l’Empire du soleil levant en attaquant sans déclaration de guerre préalable la flotte américaine au mouillage dans le port.
C’est là que le sergent Jermaine Dejean exerce ses fonctions d’officier de la Police Militaire.
Intervenir sur les bagarres entre soldats éméchés, démanteler les trafics en tout genre qui se sont développés dans le sillage de l’arrivée des hommes de troupe sur l’archipel, enquêter sur les accidents et autres affaires de racket, sont autant d’activités qui agrémentent le quotidien professionnel de l’officier.
Une vie routinière au paradis sur terre qui va pourtant être bousculée par une affaire, qui d’apparence banale va prendre une tournure dramatique et inattendue.
Tout commence lorsque le sergent est appelé pour constater la mort d’un jeune cuistot noir du 21ème régiment d’infanterie. L’homme s’est pendu et le suicide ne fait aucun doute pour personne.
Personne, sauf peut être pour le sergent Jermaine Dejean pour qui les indices relevés sur place ne semblent pas corroborer exactement la théorie retenue de prime abord. Son flair d’ancien flic de la police de la Nouvelle Orléans lui fait plutôt suspecter un homicide.
Cette suspicion d’un crime se renforcera quand un ami de la victime, cuisinier noir lui aussi se confiera discrètement au policier sur des évènements qui avaient mis aux prises la victime avec d’autres soldats du régiment qui le harcelaient pour sa couleur de peau.
Dès lors l’enquête va prendre une autre dimension, et les investigations du sergent vont le conduire sur la piste d’une organisation bien connue en Louisiane et dans le sud des États-Unis et qui semble étendre ses ramifications jusque sur l’île. Car dans le paquetage de certains des 40.000 hommes arrivés sur Hawaï , la haine et le racisme ont fait partie du voyage.
Si l’attaque surprise japonaise va bouleverser les priorités pour le sergent et pour l’armée, et compliquer passablement ses investigations, le sergent ne lâche rien de son enquête.
Mais on ne s’attaque pas au Ku Klux Klan sans prendre le risque de mettre sa vie et celle de son témoin en danger.
” A l’aube d’une autre guerre” (je trouve le titre magnifique) est donc, comme je l’indiquais en introduction , un roman de facture classique. Si l’intrigue et l’enquête sont parfaitement maitrisés, ce n’est pas là que réside l’intérêt du roman.
Pas même dans ce personnage de sergent, originaire de Louisiane, blanc d’apparence mais de sang mêlé, une gueule cassée de la guerre 14-18 ayant servi dans les tranchées, avant d’embrasser une carrière de flic au sortir du conflit.
Non, le véritable intérêt du roman de Yan-Fanch Le Fur réside dans l’ambiance qu’il a su parfaitement saisir et retranscrire de ce pays qui retient son souffle. Qui sait la guerre imminente, mais qui ignore où et quand elle commencera.
Un pays qui cache sa tension dans une insouciance de façade et sombre dans la paranoïa la plus totale quand s’abat enfin sur l’île le marteau de la guerre.
Magnifique photographie de cette époque où le racisme latent remonte à la surface comme une bulle putride qui éclate au contact de la guerre et macule la société toute entière.
Période insoutenable où l’Amérique va parquer comme des bêtes ses propres citoyens d’origine japonaise et mettre à mal ses propres idéaux de démocratie et de liberté.
Cette description de l’Amérique entrant en guerre est une réussite et donne au roman son volume et son originalité. Il comblera le lecteur passionné d’histoire, tout en satisfaisant l’amateur de polar.
Dans cette forêt de nouveautés qui sortent en ce moment, n’hésitez pas à faire une petite place à ce roman publié par un petit éditeur et qui mérite vraiment d’avoir la chance de rencontrer ses lecteurs. Vous ne regretterez pas le voyage !
Magnifique critique et j’ai été happée par les paragraphes finaux. Mince, j’ai encore envie d’ajouter ce livre à ma liste déjà si longue…
merci ma tite belette 😉 Je ne peux que te conseiller la lecture de ce roman. J’ai vraiment passé un agréable moment à le lire! et il se situe à une époque et un lieu que nous n’avons pas l’habitude d’aborder dans le polar.Bisou!
Bonjour Bruno
Le klu klux klan est un des thèmes favoris de Roger Martin qu’il décline dans bon nombre de ses romans (voir mes chroniques au cas où) et souvent il se réfère aux exactions de cette secte, prolongeant ses intrigues en France. Mais ce livre dont l’action se déroule à Hawaï me tente et je vais probablement me laisser tenter.
Amitiés
je ne connais pas l’auteur dont tu me parles, alors j’irai voir ca.Cette thématique là m’intéresse. Je prends note ! Quant à ce roman je suis sûr qu’il va te plaire !
C’est vrai que le sujet est super original! Je n’y avais jamais pensé mais effectivement les membres du klan ont forcément été mobilisés pendant la guerre…ça a l’air bien ton truc
biz 😉
c’est bien écrit, c’est sans temps mort, c’est une belle photographie d’une époque, d’un pays au bord du basculement de son histoire. a lire assurément !! 😉
Encore une magnifique chronique! Précise, fouillée, travaillée.
En tout cas, la magie de La Souris a encore opérée 🙂
merci Nathalie pour ce petit commentaire fort sympathique ! j’espère simplement t’avoir donné l’envie de lire ce roman qui mérite vraiment de trouver ses lecteurs ! Merci pour ta visite ! Amitiés 😉