Une fois de plus c’est un roman singulier que nous proposent les éditions Agullo à travers la plume de la romancière Magdalena Parys.
De prime abord, à la lecture de la quatrième de couverture de « 188 mètres sous Berlin » – c’est le titre du roman – le lecteur pourrait s’attendre à une classique histoire d’aventure.
Des hommes et des femmes, coincés derrière le rideau de fer, qui décident un jour de construire un tunnel pour s’évader et passer à l’Ouest.
L’action se déroule à Berlin, en pleine guerre froide, période dont le cinéma et la littérature ont su s’emparer et nourrir abondamment notre imaginaire de ces espions de l’ombre, de ces nuits sombres où les agents de tout bord se livraient une guerre sans merci.
Meurtres discrets, disparitions inopinées, tractations discrètes, complots et trahisons, nous avons tous dans la tête des images d’Epinal de cette période de l’histoire.
De trahison, de manipulation, de mort violente, il en est question dans le roman de Magdalena Parys. Mais ne vous attendez pas à un roman linéaire, et encore moins à une histoire simpliste, de bien et de mal, de salauds et de héros.
A vrai dire, il vous faudra même être particulièrement concentré à la lecture de ce roman si vous ne voulez pas vous perdre dans les méandres d’une histoire passionnante mais construite avec une extrême méticulosité.
Car Magdalena Parys, vous emmène pour une histoire au long court. A travers celle de Klaus, Roman, Magda, Victoria, Peter, Jürgen c’est tout un pan de l’histoire de l’Allemagne d’après-guerre qu’elle revisite, théâtre de la lutte entre deux mondes qui se faisaient face et se défiaient.
Tout démarre en 2010, bien après que le mur de Berlin soit tombé et avec lui l’ex RDA.
Klaus est assassiné. Cet homme fut autrefois un « passeur ». En 1980, avec d’autres, il avait construit un tunnel clandestin de 188 mètres sous le mur de Berlin. Peter lui aussi faisait partie de la bande. Et la mort de son ami l’intrigue au point de se lancer dans une enquête qui va l’amener à revoir ses anciens compagnons d’aventure, le projetant ainsi bien des années en arrière.
A travers les destins croisés de ces personnages qui ont pris part à ce projet fou, le lecteur va découvrir la vie dans l’Allemagne d’après-guerre, principalement en RDA, balayant de 1945 à nos jours plusieurs générations d’un roman historique qui marque encore aujourd’hui les consciences de ceux qui l’ont directement vécu.
Une époque où la suspicion et la paranoïa imprègne profondément le quotidien des allemands à cause d’une surveillance étatique de tous les instants que symbolise la redoutable Stasi. C’est dans ce contexte, que dans l’ombre, Klaus et ses complices ont œuvré à la construction de ce couloir sous terre.
Mais au fur et à mesure que le lecteur s’enfonce dans ce tunnel, que les destins personnels se télescopent et s’entremêlent, ce dernier réalise peu à peu que c’est à une histoire bien plus complexe qu’il n’y parait que l’entraîne l’auteur.
Chaque personnage témoigne de sa propre histoire, de sa propre version des évènements auxquels il a pris part ou dont il a été témoin, apportant un angle et un éclairage différents sur les faits dont il est question.
A charge pour le lecteur de reconstituer le puzzle, qui progressivement va dévoiler l’ampleur d’une vérité insoupçonnée.
Alors que l’auteure nous plonge dans l’intimité même de ces gens qui ont vécu jusque dans leur chair le déchirement de leur pays en deux entités, broyés par des enjeux qui les dépassaient, celle-ci conduit une intrigue remarquable ou histoires familiales, amours et déceptions de cœur, mensonges, faux semblants et manipulation politique sont autant d’ingrédients qui donnent au récit sa couleur dramatique.
Ainsi, chaque personnage a sa part d’ombre, et chacun est dupe de jeux supérieurs dont ils ne maîtrisent pas les rouages.
Au final cela donne un roman choral parfaitement maîtrisé de bout en bout, servi par une écriture subtile et affutée. Du bel ouvrage !
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