Ahmed TIAB s’est fait connaitre du grand public avec sa trilogie d’Oran (« Le français de Roseville » « Le désert ou la mer » et « Gymnopédie pour une disparue »).
Originaire de cette ville d’Algérie, il y avait campé là, les aventures du commissaire Kémal Fadil. Trois romans qui plaçaient cet auteur qui vit aujourd’hui en France, parmi les nouvelles plumes prometteuses du roman noir.
Cette fois-ci changement de décor. Nous quittons les rives des côtés algériennes pour le port de Marseille. Ce changement de lieu marque l’entame d’une nouvelle trilogie avec la découverte de nouveaux personnages appelés sans doute à perdurer dans les prochains opus.
Tout commence avec la découverte du corps sans vie d’une femme dans un hangar désaffecté. L’homicide ne fait aucun doute. Un de plus parmi la multitude que connait chaque année la cité phocéenne. Sauf que la victime a été tuée par lapidation ! Qui plus est, la découverte sur les lieux d’un tag particulier ne laisse rien présager de bon.
C’est au commissaire Massonnier que revient le triste privilège d’élucider ce meurtre scabreux. Une affaire qui va lui demander la plus grande des attentions.
Mais difficile de se concentrer quand dans le même temps votre adolescente de fille vous en fait voir de toutes les couleurs ! Maï en effet, ne digère toujours pas la séparation de ses parents, et surtout de voir son père refaire sa vie…avec un homme, qui plus est avec un de ses collègues flics !
Et du côté de sa mère, ce n’est pas mieux. Elle ne supporte pas cet abruti d’avocat qui a pris la place de son paternel.
Alors par provocation et pour braver l’autorité parentale, Maï joue la transgression, consomme du cannabis et a des fréquentations bien peu recommandables.
Parallèlement nous suivons Hocine et Sofiane, deux jeunes de banlieue qui ne trouvent pas leur place dans cette société qui les rejette. Les escapades dans le pays de leurs parents sont les seuls et rares moments où ils se sentent heureux et en osmose avec le monde qui les entoure. En France, baigné du racisme ambiant et la dureté de la marginalisation, c’est dans les vidéos publiées sur la toile qu’ils s’inventent une autre destinée.
Tandis qu’il est tout à son enquête, le commissaire Massonier essaye de se rassurer en gardant un œil discret sur sa fille et en s’accrochant aux explications de Lotfi Benattar son compagnon, qui tente de lui faire comprendre qu’il faut bien que jeunesse se fasse et que ce n’est pas parce que sa fille fume des joints avec un jeune dans une BMW qu’elle part en vrille.
Mais ce qui va partir en vrille c’est la suite de l’histoire. Car quelques jours plus tard la BMW est retrouvée carbonisée sur un terrain vague avec deux morts à l’intérieur.
S’il semble à première vue qu’il s’agisse d’un classique règlement de compte à la suite d’un go fast qui aurait dégénéré, Massonier et Benattar s’interrogent. L’une des victimes, placée dans le coffre de la voiture a eu la main sectionnée. Cela ressemble fort à une sanction religieuse relevant de la charia. Les deux policiers ne tardent pas alors le lien avec la première affaire.
Se pourrait-il qu’un groupe islamiste soit à l’œuvre dans la région ?
Pour Massonier rien n’est plus précieux que le temps quand il est à l’urgence. Car à mesure où il s’approche de la vérité, la menace elle, se précise. Et quand elle touche à votre propre chair, votre propre sang, la vie devient une course folle qui file entre vos doigts.
Les lecteurs d’ Ahmed Tiab auront tôt fait d’adopter ce nouveau personnage de flic, déchiré entre une fille rebelle à son autorité et une vie homosexuelle assumée, mais parfois contrariée.
Néanmoins, je n’ai pas été totalement convaincu par ce nouveau roman. Non que l’écriture et le style soient ici à remettre en cause. Non plus un manque de profondeur des personnages.
L’auteur prend d’ailleurs grand soin de dessiner les contours de ce nouveau héros, en offrant au regard du lecteur son univers personnel, ainsi que la perception des émotions qui le traversent tout au long de cette histoire. On ne peut dès lors que s’y attacher très vite.
C’est davantage, pour moi, un problème de crédibilité qui me dérange. Cette histoire d’islamistes du 13 en quête d’un califat, je n’y ai malheureusement pas cru une seconde.
Je sais bien que le roman noir se nourrit des maux de notre société, et que le terrorisme dans lequel nous baignons depuis plusieurs années se devait d’apparaitre sous la plume des auteurs du genre.
Si paradoxalement, Ahmed TIAB, décrit fort bien la lente conversion de ces jeunes à l’islamisme radical et violent, ainsi que leur connivence avec les dealers des quartiers nord, sa traduction dans les actes ne me semble absolument pas réaliste et en particulier le scénario qui donne le titre au roman .
Autant le développement des rapports humains entre les différents personnages est captivant, autant ce volet islamiste me séduit moins, comme si son introduction dans le récit venait donner du piment à une histoire qui n’en avait peut-être pas besoin.
Mais c’est là un avis bien personnel. Il n’en reste pas moins que celle-ci se laisse lire avec une fluidité dans l’écriture que l’on connait bien chez Ahmed TIAB.
Si le roman ne m’a donc, au final, pas totalement emballé (d’autre l’ont beaucoup plus aimé que moi, cf liens ci-dessous) , ce nouveau personnage de flic qui s’assume dans son homosexualité par contre m’a davantage convaincu.
Et ce sera sans aucun doute, que je lirai bien volontiers ses prochaines aventures tant Ahmed TIAB reste un auteur de grande qualité.
__________________________________________________________________________________________________________
L’avis des copains qui ont aimé :
Comme tu as pu, probablement, le constater j’ai un avis plutôt mesuré sur cet opus d’Ahmed Tiab. J’ai été moyennement convaincu, mais je lui laisse crédit en s’inscrivant dans une série. Il apparais des facilités et des thèmes effleurés qui méritaient approfondissement.
Salut l’ami 😉 ! En relisant ta chronique que j’ai peut être lue un peu trop rapidement la premiere fois ( mais en plus ca remonte à un ptit moment déjà) effectivement tu es plus nuancé que je le laisse supposer en signalant le lien de ton papier. Effectivement, un point que j’ai omis d’évoquer, c’est les nombreux sujets abordés dans ce romans qui aurait mérité d’être un peu plus développé. Il me semble que Pierre l’évoque aussi dans le sien.je laisse moi aussi crédit à l’auteur et j’attendrai de lire son second opus pour me faire définitivement une idée ! l’occasion d’échanger à nouveau je pense 🙂
Merci pour le lien mon ami. On en a parlé ensemble de ce roman. Il y a beaucoup de thèmes, et j’apprécie la voix de son auteur, indéniablement un des meilleurs observateurs actuels. A suivre, donc … Amitiés
tu le sais puis qu’effectivement nous avons échangé dessus, j’ai été moins emballé que toi. Pour autant je lirai le deuxième opus avec plaisir pour savoir où l’auteur emène son personnage au demeurant original et attachant.