« Pourquoi faites-vous cela ? ».
Il est déjà trop tard. Elle est entre leurs mains. Enfermée dans une maison, clouée dans un fauteuil, à la merci de leurs outrages.
Eux ils sont deux, un jeune, un plus vieux. Mais qu’importe. Ils ont la même soif de faire mal, d’humilier et de détruire. Ils sont des bourreaux, elle est leur victime. Déjà déshumanisée. Juste une chose avec laquelle ils vont jouer. Et ils ne vont pas s’en priver.
Elle menait pourtant une vie paisible et rangée, sans excès, sans s’exposer au risque. Un mari, un bébé auxquels elle se dévouait. Et puis ça. Eux. Ce mal qui frappe à la porte, et remplit votre univers d’un noir absolu.
Alors elle cherche à comprendre. Parce que l’Homme à besoin de donner un sens aux choses et aux évènements qui les touchent. Pour se raccrocher. Savoir comment résister et lutter.
« Pourquoi faites-vous cela ? ».
Elle parle. Parler c’est être encore vivant. Tente d’établir le contact. Docile ou agressive. Elle essaye de capter chez l’autre une once d’humanité pour entrouvrir une porte sur l’espoir. Mais tout reste clos. Désespérément voué au noir et au mal. Les mots qu’on lui vomit blessent , les silences déchirent. Comment lutter ? Comment survivre ?
Sylvain Kermici n’invite pas son lecteur à ce huis clos suffoquant. Il le pousse violemment dans le dos et l’y projette à l’intérieur. Observateur forcé et désarmé de ce drame horrifique dont il redoute d’emblée l’épilogue.
Car celui-ci n’y trouvera aucune échappatoire. Si habituellement, même dans les romans les plus sombres, il arrive à percevoir un filet de lumière, une esquisse de possible susceptible de changer la réalité du personnage mal en point, ici il n’en sera rien. Jamais. Tout est hermétiquement verrouillé sur le mal, sous vide au désespoir.
Même quand l’auteur déplace l’angle du récit pour se mettre sous celui des bourreaux, qu’il donne à découvrir ce qui fut leur histoire, rien, absolument rien, n’offrira au lecteur une emprise pour mettre ce sens auquel tout être humain cherche à se rattacher pour se rassurer.
Certains trouveront alors qu’il s’agit d’un roman voyeur, faisant l’apologie de la violence gratuite. C’est qu’ils seront alors passés à côté du livre.
Car quand bien même il n’y a pas d’échappatoire possible, l’interaction entre la victime et ses bourreaux engendre automatiquement une altération des postures, un lien qui s’établit forcément entre les protagonistes qui les fait évoluer.
Ensuite parce qu’en refusant de donner des réponses et du sens à ces actes odieux qui sont commis par ce qui s’avèrera au fil des pages, des serials killers, l’auteur s’abstient volontairement d’installer son lecteur dans ce confort habituel qui consiste au final à lui donner toutes les clés de l’histoire.
Cette fois-ci, il devra rester seul avec ses questions, à charge pour lui d’essayer d’en trouver les réponses. C’est sans doute là, un des aspects du livre que je trouve intéressant.
Mêlant huis clos et serial killers, Sylvain Kermici nous offre un roman d’une noirceur absolue, glauque, extrêmement violent, qui déplaira sans doute aux âmes sensibles, mais ravira ceux qui sauront y lire autre chose que la simple expression d’une bestialité humaine dont nous sommes parfois capables.
ah mais tu m’intéresse là 🙂
pourquoi je ne suis pas surpris ? 😉