A l’occasion de la parution de son dernier roman « Les âmes sous les néons » publié aux éditions La Tengo et que je chroniquerai bientôt, j’avais envie de vous faire (re)découvrir cet écrivain qui me tient tout particulièrement à cœur.
Après vous avoir parlé de « Balancé dans les cordes »il y a quelques jours , je vous présente aujourd’hui son premier roman, « PARIS LA NUIT » qui a été pour moi mon premier gros coup de cœur sur PASSION POLAR. Je devrai parler plutôt de grosse claque tant j’avais bluffé par cet auteur, qui à l’époque n’avait que 23 ans.
Si vous aimez le roman noir il vous faut absolument découvrir Jérémie GUEZ.
Abraham est un fils de la rue, un fils de la nuit. Avec Goran son ami d’enfance, il partage défonces, embrouilles et petites combines. Dealer à l’occasion pour assouvir ses propres besoins de toxicomane, il erre dans les rues de la Goutte d’or à Paris, conscient que sa vie s’enfuit dans une direction toujours plus sombre, sans issue, qu’elle s’évapore peu à peu dans les volutes des joints qu’il partage avec Goran.
Qu’importe si sa vie est un cul de sac ! il en a conscience, ne se cherche pas d’excuse et assume le sort qu’il s’est choisi.
« Je préfère me brûler les ailes, quitte à mourir avant trente piges, que ranger les étagères d’un supermarché jusqu’à la fin de mes jours. De toute façon, je sais que je chercherai toujours le vide. » .
La mort ne lui fait pas peur.
Sa vie ne se résume plus qu’à la dope et son univers à son pote Goran. Seule Julia, jeune étudiante, lui apporte de temps en temps un peu de lumière lorsqu’il se retrouve dans ses bras.
Même avec son père les liens finiront par se distendre, comme s’il fallait finir de rompre les amarres pour définitivement partir à la dérive. Lui qui lui a donné ce prénom qu’il ne supporte pas
A l’occasion d’une de leurs nombreuses virées dans un bar de la capitale, ils découvrent qu’à l’arrière de celui-ci se trouve une salle de jeux illégale. Il ne leur faudra pas beaucoup de temps pour que germe l’idée de braquer celle-ci pour se faire de fric et voir venir.
Le temps de monter une équipe et de préparer l’opération, et les voilà lancer dans une expédition sans retour.
Le coup réussi, viendra alors le temps de la fuite, de la planque et de l’attente. Car leur forfait ne peut rester impuni aux yeux des truands qu’ils ont spoliés et qui mettent tout en œuvre pour les retrouver.
Mais dans ce monde de déchéance sans honneur, la trahison est une déesse perfide qui frappe sans prévenir. Dès lors, Abraham et Goran vont franchir une étape sans retour.
Jérémie GUEZ est véritablement un alchimiste des mots. Il décrit avec une maîtrise déconcertante la déchéance d’un homme qui se consume de l’intérieur.
« j’ai entrepris de me détruire, je sais que tout a basculé, que je ne ferai pas machine arrière. Je suis une personne, parmi des millions, qui se laisse dévorer par les flammes de son enfer. »
Un homme qui se noie dans son propre destin qui le submerge, mais qui se débat encore avec la force du désespoir et se lance dans ce braquage, comme pour se prouver qu’il est encore vivant, et qui n’a plus que sa propre violence pour le clamer.
« Ma conscience ne peut plus me désavouer. J’avais le choix entre la folie et la vie, entre ma raison et le mal, et j’ai fait mon choix. J’ai pris cette infâme décision, celle d’imposer partout ma violence, parce que je refusais de souffrir une seule seconde de plus."
Abraham brûle sa vie sous l’éclat de la ville de lumière, dont il n’est qu’un habitant de l’envers, lui habite Paname quand les autres visitent Paris.
Et son Paname n’est pas celui des beaux quartiers.
Un monde qu’il rejette mais dont il se sert pour survivre. Un monde à l’envers qui lui voue admiration alors qu’il crève de ne pouvoir vivre.
Ce roman n’est pas sans me rappeler un vieux film espagnol de Carlos Saura « De prisa, de prisa » (sorti en France sous le titre « Vivre vite »). Histoire de jeunes qui brûlent leur vie dans une course vertigineuse vers le chaos et l’autodestruction.
C’est avec fougue, et dans un style incisif que Jérémie GUEZ a écrit ce premier roman, sans jamais tomber dans l’empathie ou le misérabilisme pour ses personnages. On devine que celui-ci est resté longtemps en gestation et qu’il a été poli patiemment pour donner ce roman abouti.
Une totale réussite, un premier roman accompli, alors riche de promesses pour ce jeune auteur d’à peine 23 ans qui a véritablement une plume, un style, un ton bien à lui, et qui impressionne par la maturité de son regard.
Des promesses qui ont été tenues par la suite avec ses romans suivants.
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