Je m'appelle Jokin Sasko. J'ai été déclaré mort le 10 janvier 2009 par une poignée d'hommes qui croyaient qu'une cagoule suffisait à couvrir leurs erreurs et à dissimuler les noms et la noirceur des âmes de ceux qui les payaient pour faire le sale boulot. Quelle est la part de réalité dans toute cette affaire ? Quelle proportion d'imagination et de tromperie? Qui pour prétendre détenir la vérité et s'autoproclamer avocat ou bourreau? Qui a tort et qui a raison ? Jugez par vous même.
S’attacher à un sujet d’actualité comme la question basque est un sacré pari pour un écrivain, surtout quand il n’est pas originaire de cette région. On pourrait croire en effet que cela relève soit d’une inconsciente témérité à prétende cerner une réalité pourtant bien complexe, soit d’une intention visant à se servir du prétexte d’une problématique historique pour ne donner qu’un peu de sel à son scénario.
Dans tous les cas, le risque est grand de ne donner alors qu’une vision tronquée, caricaturale ou superficielle d’une page marquante et combien douloureuse de l’histoire basque.
L’auteur à s’être lancé dans cette aventure hautement périlleuse, c’est Marin LEDUN. Un écrivain qui a déjà signé quelques romans excellents et remarqués par la critique comme “Les visages écrasés” et plus récemment encore “dans le ventre des mères”.
Le pari était donc risqué de s’abîmer dans les limbes de l’histoire basque, mais divine surprise, non seulement Marin Ledun sort admirablement du piège qu’il pouvait se tendre à lui même, mais sans doute signe t-il là le meilleur roman qu’il n’ait jamais écrit à ce jour.
“L’homme qui a vu l’homme” est un vrai roman noir, un roman sociopolitique efficace porté par une écriture sèche, un style infusant qui peu à peu imprègne son lecteur d’une atmosphère de plus en plus lourde et étouffante que les non-dits, les mensonges et les trahisons viennent alourdir au fil des pages.
C’est à une immersion progressive dans ce monde du silence où les coups les plus durs sont portés dans l’ombre, sans que l’on ne sache jamais qui est véritablement l’ adversaire, que l’auteur entraîne son lecteur.
Et c’est par l’histoire réelle d’un militant basque, celle de Jon Anza , renommé Jokin Sasco pour les besoins du livre, qu’il l’introduit dans l’histoire tumultueuse et violente de cette terre rebelle et fière.
Nous sommes en 2009. Cela fait plusieurs semaines que Jokin Sasco a disparu. Aucune nouvelle, aucune trace de lui. Les hôpitaux , la police n’ont rien à signaler, rien à dire. Sa famille décide alors d’organiser une conférence de presse pour alerter les médias, et que les choses bougent enfin. Mais seuls les journalistes locaux semblent y porter attention.
Parmi eux, Marko Elizabe un natif pur jus qui connait bien le dossier basque, et Iban Urtiz, un jeune reporter du quotidien Lurrama ,né d’un père basque mais qui n’a pas grandi dans la région dont il ne connait quasiment rien de l’histoire tragique qui la secoue depuis des décennies.
Chacun de leur côté, ils vont se lancer sur la piste du disparu.
C’est donc par le biais de l’enquête journalistique que Marin Ledun appréhende l’histoire basque, dont il s’empare à bras le corps pour en faire le cœur même de son roman. Loin de la galvauder, loin de la réduire ou de la parodier, il l’a sert au contraire avec intelligence.
Et il y a du Marin Ledun dans ce jeune Iban qui revient sur la terre paternelle et qui , se trouvant confronter à une réalité qu’il ne maîtrise pas, s’efforce de porter un regard objectif et de rechercher la vérité sur cette affaire.
Une affaire qui n’est pas sans rappeler les heures sombres de la “sale guerre” qui durant les années 80 avait ensanglanté le pays basque français. Une époque, où le GAL, une officine contre révolutionnaire, constituées de barbouzes à la solde de hauts responsables espagnols faisait régner la terreur parmi les militants basques qu’ils enlevaient et assassinaient froidement , au nez et à la barbe des autorités françaises étrangement silencieuses.
Mais s’il veille à ne jamais prendre fait et cause, Marin Ledun n’en dresse pas moins un tableau sans concession d’une situation qui n’en finit pas d’hanter les mémoires et de torturer les esprits.
Et de dénoncer.
La compromission passive du pouvoir français qui laisse agir sur son sol , le silence assourdissant des médias nationaux face à ces actes odieux qu’ils taisent et couvrent pas omission, et cette justice qui ne recherche pas la vérité.
Mais dans ce roman où la tempête omniprésente tout au long du livre reflète l’âme de ces gens fiers et en colère, Marin Ledun ne manque pas aussi de montrer combien les hommes finissent par être dépassés, écrasés par les idéaux qu’ils portent pour ne finir par n’être plus que des ombres déshumanisées.
“L’homme qui a vu l’homme” sera sans doute l’un des romans de l’année . Il est signé d’un auteur éveillé et conscient au monde qui l’entoure. Un auteur qui a des choses à raconter, qui donne à réfléchir à son lecteur ( nombreux seront qui comme moi sans doute chercheront à en savoir plus sur cette histoire, sur ces pages sombres qui défrayèrent en leur temps la chronique.) et interpelle les consciences.
Un roman utile, salvateur.
©Hippo
Je me demandais si j’allais prendre ce roman à l’auteur durant le prochain salon Quais du Polar, tant de choses à lire, trop, beaucoup trop…
Une précédente chronique m’avait déjà fortement motivé, mais la tienne enfonce tellement le clou que je suis maintenant certain de me plonger un jour dans ce roman !
Top ! (comme le dit ta ptite souris) 😉
celui ci est franchement incontournable Yvan, je pense pas me tromper en estimant que ce sera sans doute l’un des meilleurs romans noirs de l’année 2014 ! Amitiés 😉
j’ai 2 autres livres de cet auteur dans ma PAL !!! va falloir que je me mette à jour avant d’attaquer celui ci !!!
tu verras il fait des choses très différentes ! ” Les visages écrasés” ( j’espère que c’est l’un des deux que tu as dans ta pal, sinon cours l’acheter !) était sur le monde du travail. Un livre saisissant et magistral. Là nous sommes dans quelque chose de complètement différent, mais admirablement bien écrit et bien bâti ! cet auteur est vraiment surprenant et je crois qu’on en a pas fini d’en entendre parler ! bisou Nath” !
oui, j’ai les visages ecrasés qui viennent de faire un prodigieux bon en avant dans ma PAL depuis que j’ai lu ton article !!! Bisous mon souriceau
bonne lecture alors ! j’attends ton retour d’impressions !!! 🙂
Voilà…je suis convaincue que je dois absolument lire ce livre!! T’es trop futé toi pour une souris hein!!!!
si j’ai reussi à te convaincre de lire ce roman alors j’en suis vraiment très heureux car c’est très bon , non pas pour ton poil, mais pour ton plaisir de lire 😉 Merci de ton passage Foumette ! 🙂
Salut souriceau, si avec ça on ne le lit pas, je ne comprend plus. Bon, j’ai compris qu’il fallait que je l’attaque ! Amitiés
ben surtout que connaissant bien tes goûts maintenant, je sais que ce roman n’attends que toi !!!!! 🙂
Bon, je vais acheter un chat et le lâcher sur ton site, parce que tu es un tentateur aussi pire que Pierre et Yvan réuni !! C’est dire ! Et si Collectif Polar s’y met aussi, je ne donne pas cher de ma bourse…
Je note, mon mulot, je note, t’inquiètes pas, je le lirai, mais me faut du temps, hein !! 😉
😉 prends un chat croisé avec un lévrier alors, la petite soursi court très vite ! 🙂 prend ton temps, le principal c’est que tôt ou tard ce roman te passe entre les mains ! 🙂
Je l’ai pris à la bibli. Avis à suivre d’ici quelques semaines. J’y vais sans hésiter mais sur les 2 bouquins de Ledun que j’ai lus, je n’en ai aimé qu’un(les visages écrasés). J’espère confirmer mon avis positif sur lui avec ce bouquin là…
je pense très sincèrement qu’il va te plaire, c’est un roman vraiment bien construit qui aborde sans exagération le problème basque ! tu devrais te régaler !:)
Gosh!! C’est officiel!! Mamie Gridou devient sénile!!! J’avais complètement oublié cet échange!
Contrairement à toi, je ne me suis pas passionnée pour la question basque suite à cette lecture. Mais l’écriture a largement suffi à me porter. Ce qui est bizarre avec cet auteur, c’est que j’ai conscience qu’il est talentueux et j’aime son écriture mais l’ambiance m’oppresse énormément, presque au point de me gâcher la lecture…
et oui nous avions déjà echangé sur ce roman ! je suis ravi que tu l’aies lu même si tu n’as pas creusé plus loin le sujet de la question basque , sa lecture en donne déjà une certaine idée.Pour moi l’ambiance contribue justement à donner force à cette histoire qui a une trame véridique. Elle renforce toute l’horreur que de cette periode où le droit était foulé au pied par ceux censé le faire respecter.
héhé un bon bouquin pas vrai? 😉