Que peuvent bien avoir en commun un journaliste et un caïd de banlieue ?
Rien à priori. A part l’amitié née d’une jeunesse partagée, dont les racines sont coulées dans le béton d’une banlieue quelconque.
Les années ont passé.
Mathieu est devenu un journaliste qui tourne en rond, qui n’a jamais percé et qui doit se contenter de piges dans les canards du coin. Il garde tout de même l’espoir un jour d’écrire un papier qui lui permettrait de jouer dans une autre division, synonyme d’un nouveau départ.
Sa vie est à l’image de son parcours professionnel, banale et sans saveur. Vie de couple désagrégée, une fille née d’une aventure d’un soir. Une vie qui s’estompe dans les volutes de fumée des joints qu’il fume dès son réveil.
Farid quant à lui, en a fini de son bracelet électronique. Il a grandi dans cette cité en s’engouffrant dans la seule voie que celle-ci pouvait lui offrir, la délinquance.
Combines et trafics ont fait de lui un caïd de la cité, seul moyen de sortir de son ordinaire sans horizon. Alors forcément, la case prison était presque un passage obligé dans son parcours.
A nouveau libre, Farid a besoin de changer d’air quelques temps et de se reposer au soleil. Il propose à Mathieu de l’accompagner jusqu’en Espagne, direction Malaga.
L’occasion pour eux de fuir ce quotidien sans relief, agrémenté de joints ou de lignes de coke.
Dès lors nous suivons l’errance de ces deux amis que tout aurait pu opposer, si ce n’est une vie qu’ils savent déjà plombée par les choix qu’ils ont fait dans leur jeunesse, et cette amitié qui tient lieu d’unique trésor.
Pour Farid ce voyage et l’occasion d’une introspection sur le cheminement qui fut le sien. La vie dans la cité, les potes, le business, les trahisons, les livraisons de drogues, et le souvenir omniprésent de ce gros coup, qui déjà à l’époque l’avait amené ici, à Malaga.
Mathieu écoute. Des souvenirs de son ami d’enfance, il en ferait bien le terreau pour un livre, si tant est que Farid accepte le projet. Mais que sera-t-il capable de faire de cette vie que lui déroule son ami sans même sans rendre compte ?
C’est une atmosphère vraiment particulière que nous offre Matthieu Luzak à travers ce premier roman.
Un texte empreint de mélancolie, où il nous dresse le portrait de deux êtres à la vie de traviole, fatigués, qui n’en attendent plus vraiment grand-chose, le train de celle-ci étant déjà lancé dans une direction qu’ils ne peuvent plus choisir ou contrôler.
Alors on se satisfait de ces plaisirs simples que l’existence veut bien vous accorder. Un pétard partagé, la drague et les parties de jambes en l’air qui s’ensuivent, la musique, toujours à fond, celui de courir sur la plage avec des mômes, se contenter de peu et ne plus rien exiger de la vie, pour peu qu’elle veuille bien vous laisser respirer un peu.
Une sorte de torpeur désenchantée face à ce monde dans lequel ils ne trouvent pas de chemin, prisonniers de cette pesanteur sociale qui leur a très tôt coupé les ailes et écrit à l’avance leur destin.
Porté par une plume et un style vif et percutant, Mathieu Luzak nous offre un premier roman des plus réussis.
Roman sur l’amitié, la fraternité, c’est aussi des mots sur ces déclassés qui même s’ils peuvent avoir en eux l’ambition et les qualités pour faire quelque chose de leur vie, voient leurs espoirs englués dans cet univers de banlieue, faute d’avoir les réseaux ou connaître les stratégies pour dépasser leur horizon de béton, et sortir du carcan social où ils sont enfermés.
« Poudre blanche et sable d’or » c’est l’errance de deux êtres, à la fois si différents et si proches, qui durant le temps d’un trajet en voiture et un séjour en Espagne, ouvrent une parenthèse sur leur parcours vie, le temps de se souvenir des aspirations et des désillusions, des échecs et des coups d’éclat.
Des vies frottées au béton de la cité, à celui du temps et de leurs origines, empreintes à la fois d’espoirs et de résignation, avec pour seul richesse cette amitié d’hommes. Deux amis qui iront quoiqu’il en coûte au bout de leur destin.
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