Je me rappelle quand j’étais collégien. Je me rappelle 1981.
Tous les matins avant de me rendre à l’école, je déjeunais au son de la radio que j’écoutais toujours d’une oreille distraite. C’est au cours d’un ces matins là, que j’ai entendu pour la première fois son nom. Je n’y avais pas vraiment prêté attention, et je ne le savais pas encore, ce nom allait m’ accompagner 66 jours durant jusqu’à ce funeste 5 mai 1981.
A 14 ans, le jeune garçon que j’étais ne connaissait rien encore au conflit nord irlandais. Ce n’est qu’au cours de mes études universitaires en histoire que je ferai bien des années plus tard, que je devais m’intéresser vraiment à ce conflit et à ses origines, à cette guerre civile qui aux portes de l’Europe a brisé tant de destins et fait couler le sang des enfants de cette terre.
Au fil des jours j’ai donc suivi sa grève de la faim, vu sa déchéance physique s’accélérer à mesure que grandissait son aura au delà des murs de sa cellule, et que le pouvoir britannique se retrouvait prisonnier de la volonté indestructible d’un homme à livrer son combat jusqu’au sacrifice ultime de sa vie.
J’ai fini par admirer cet homme. Il a contribué sans nul doute, avec d’autres événements de ma vie, à façonner ma sensibilité politique.
Il s’appelait Bobby Sands. Neuf autres compagnons de lutte devaient le rejoindre dans la tombe.
Sam Millar fut de ce combat, même s’il n’a pas été jusqu’à prendre part à ces grèves de la faim meurtrières. ” On the briks ” est son histoire.
Celle d’un gamin pauvre de Belfast qui un jour assiste avec son frère à sa première manifestation pour les droits civiques des irlandais catholiques. Ce sera le tristement célèbre ” Bloody sunday ” ( 13 civils abattus par l’armée britannique) qui illustrera par de sombres images les discours de son républicain de père et qui fera rentrer le jeune Millar de plain-pied dans la réalité politique de son pays.
A 17 ans il est en prison, là même où mourra Bobby Sands. Il y embrassera la cause de ses compagnons et les rejoindra dans la Rébellion , d’abord à travers la Blanket protest( refus de porter l’uniforme de prisonnier de droit commun) puis de la Dirty protest ( refus de se laver, étalement des excréments sur les murs des cellules).
Le bras de fer avec l’administration durera des années, jusqu’au premières grèves de la faim.
Millar, parle, raconte. S’il peut parfois se montrer critique vis à vis de ceux qui mènent le combat à l’extérieur, il ne condamne pas ceux qui, en prison, finissent par baisser les bras, broyés par la machine répressive. Il témoigne.
De ce qu’il a vécu, de ce qu’il a enduré. Il le fait sans pathos, sobrement, allant à l’essentiel sur ces années de lutte et de souffrance.
Des privations, du froid qui s’engouffre dans les cellules sans fenêtres, de la bouffe avariée, des tabassages et des humiliations quotidiennes, de la violence perpétuelle des gardiens, morale ou physique, avec l’humour pour seule bouée qui le raccroche à son humanité alors qu’il est ravalé progressivement à l’état d’animal dans ces geôles britanniques.
Mais il parle aussi de cette vie au quotidien, de la solidarité qui l’unit à ses compagnons, partageant le peu de choses qu’ils peuvent avoir.
Il finira pas en sortir, vivant.
États-Unis. Sam Millar a traversé l’atlantique. Oublié l’IRA, oublié le combat politique. Commence l’autre partie de sa vie, et l’autre moitié du livre. Une vie qui ne manquera pas non plus de sel. Une vie à chercher une place . Croupier dans un casino illégal, avant d’en devenir un responsable le temps que les affaires périclitent.
Alors avec des copains il va monter un des plus gros casses jamais perpétrés aux Etats Unis. Celui de la Brinks de Rochester. 7 million 400 . 000 dollars dont on ne retrouvera qu’une infime partie.
Mais tandis que la liberté semble être pour Sam une amante volage qui finit toujours par lui échapper, le hasard et la chance quant à eux, semblent veiller sur sa vie comme des anges gardiens. Et s’il passera encore par bien des péripéties c’est un homme libre qui finira malgré tout par fouler à nouveau la terre d’Irlande.
Émouvant, terriblement poignant dans sa première partie, la seconde elle, ressemble davantage à un scénario de roman noir avec une forte dose de rocambolesque. Sans doute moins forte émotionnellement elle n’en est pas moins importante car c’est elle qui finira par conduire Sam Millar sur le chemin de l’écriture.
Difficile de croire qu’il s’agit là d’une autobiographie , tant celle-ci ressemble à un scénario de cinéma. Mais il s’agit bien de la vie d’un homme, combattant de l’Ira au plus fort de la lutte, devenu braqueur de banque avant de trouver une plume salvatrice.
Aujourd’hui la paix trouve non sans difficulté son chemin en Irlande du Nord. Mais si les armes ont été déposées , reste une cause, un idéal qui eux continueront encore longtemps à brûler dans le cœur des irlandais républicains, celui d’une Irlande libre et unie.
©Hippo
Je reviens de Belfast où la tension est encore palpable et bien réelle ( une bombe de faible intensité à pété vendredi à coté de la cathédrale). Je suis allée à Falls road, à Shankill road, une émotion que je n’oublierais jamais. Je suis allée à Derry dans le Bogside, on ne revient pas indemne d’un tel voyage.
Bises la souris !
voilà un séjour que j’aurai bien aimé faire, car je suis passionné par cette région et cette histoire tumultueuse entre des communautés qui ont encore aujourd’hui bien du mal à refermer les plaies !! je te crois bien volontiers qu’on ne peut revenir que secoué d’un tel séjour ! Amitiés
J’ai pensé à toi car j’avais lu quelque part que toi aussi tu t’intéressais aux “troubles”.
bonne mémoire !!! 🙂