Un coup de poing dans l’estomac, un roman qui fuse comme une balle perdue et que vous prenez en pleine tête. Voilà ce qu’est “Satan dans le désert”. Un livre culte qui place Teran Boston comme un auteur incontournable du noir américain.
Dès lors vous ne serez pas surpris que j’ai pour ce roman un coup de cœur magistral, comme il m’arrive rarement d’avoir, et que ce roman figure dorénavant en bonne place dans le Panthéon des livres de ma vie de lecteur.
Il convient ici d’avertir le lecteur potentiel qui aurait une âme trop sensible, qu’il peut et doit passer son chemin, car si “Satan dans le désert” est rare comme une pépite d’or ramassé dans le désert Mojave où se déroule une grande partie de l’action, c’est noir, c’est hyper violent, voire parfois choquant . Mais si au contraire il a l’estomac bien accroché, s’il est capable de s’engager sur des chemins aussi sombres que dangereux alors je l’invite à pénétrer dans ce désert où l’attends le diable en personne, guidé par la plume remarquable de Teran Boston.
Bob Hightower est un flic planqué. Entendez par là un flic retranché derrière son bureau, qui ne prend jamais part aux patrouilles sauf à y être obligé. Le privilège d’avoir été à l’époque le gendre du shérif qui ne voulait surtout pas faire courir le risque à sa fille de devenir veuve trop tôt. Et ce confort à vrai dire lui va bien, il n’en demande pas plus à la vie.
Malheureusement pour lui, ce sont justement les cadavres de son ex femme et de son nouveau mari que Bob découvre un soir, tombant sur une véritable scène de massacre. Dès lors c’est toute son existence bien ordonnée qui vole en éclats, car sa fille Gabi de 12 ans, elle, a disparu.
Les jours passent, l’enquête ne mène à rien. Derrière son bureau Bob, abattu, épluche les courriers venus des quatre coins du pays. Des menteurs, des barjos, des anciens taulards qui offrent leurs services contre rétribution. Il ne lui reste de toute façon plus que ça à faire. Jusqu’à tomber sur une lettre. Celle d’une ancienne junky , Case, qui semble savoir pas mal de choses.
De leur rencontre naîtra un duo improbable, entre un flic looser qui se raccroche à ses valeurs et à son dieu pour ne pas se noyer dans l’abîme, et celle d’une rescapée, pour qui la vie n’est plus une espérance mais une errance de souffrance, avec la mort pour seul horizon, porteuse d’une promesse de délivrance .
la vie n’est jamais que le mauvais côté de la mort
Revenue de la drogue, des viols collectifs qu’elle a subi, des meurtres rituels auxquels elle a participé au sein de cette bande de déjantés qui détient Gabi elle conduira Bob vers eux, vers ce désert diaboliquement grandiose, où le combat livré n’est pas celui entre le bien et le mal, mais entre la vie et la mort.
Case brisera petit à petit les fondements sur lesquels Bob a construit son existence de carton pate. Car pour elle la vie n’est rien d’autre qu’une impasse, un cul de jatte autour de laquelle les hommes ont brodé des valeurs et des religions pour mieux se tromper qu’au-delà de la mort, il n’y a rien, juste le néant. Pour elle dieu n’est qu’une balle de revolver (c’est d’ailleurs le titre original du roman).
Elle jette un œil autour d’elle, plonge la main sous sa chemise. En ressort un poing fermé qu’elle ouvre en douce. Dans sa paume, une balle Frontier. Une bonne vielle chemise métallique dotée d’une tête en laiton pour garantir une meilleure pénétration.- Regarde-la bien. C’est la forme de vie la plus avancée, la plus haute forme d’art qui soit. Celle qui nous rend tous égaux. Politiques, sociales ou religieuses les frontières s’effacent devant elle. Elle n’est liée à personne, ne fait pas de favoritisme. Elle est à double tranchant. Son sens est aussi simple et profond que toutes les magistrales foutaises que la Bible peut réunir dans ses paraboles. Elle porte l’histoire sur son dos et tous les êtres vivants s’allongent sur son passage. La foi sous toutes ses formes réside à l’intérieur de cette chemise en laiton. C’est l’immaculée conception bébé. Ouais. Elle fait naître de nouvelles religions, et accélère la disparition des anciennes. Voilà Dieu, Coyote (surnom de Bob). Allons, souris, ca passera mieux. Elle fait passer la balle dans la paume de Bob qui la regarde longuement.
C’est donc un voyage au bout de l’enfer qu’ils entreprennent pour retrouver la jeune Gabi.
C'est pas à l'Amérique propre et puritaine que vous avez affaire, sur ce coup-là. Cette merde, c'est l'enfer. Une histoire de drogue, de sang et de foutre, déjantée à un point que vous n'avez pas idée.
Et le carnet de ce voyage s’écrira en lettres de sang. Un voyage au cours duquel Bob découvrira que le la frontière entre le Bien et le Mal n’existe effectivement pas, et que c’est souvent dans le terreau du Bien que germent les graines de la violence et du chaos.
Un voyage où celui qui a tout perdu, et celle qui n’a rien retrouvé mettront en commun la force de leur désespoir pour rester la tête hors du néant et tenter de survivre à ce chaos.
Ce roman est d’une extrême violence, dur, à la limite du supportable, mais ici pas de voyeurisme gratuit, tout participe à cette descente aux enfers d’un homme ordinaire qui, à mesure qu’il s’enfonce dans ce désert qui l’avale va se transformer lui aussi en bête de proie.
Un roman pessimiste et fort qui donne à voir le côté sombre de l’âme humaine, un livre admirablement bien écrit qui trouble et bouleverse son lecteur.
L’enfer est sur terre.
©Hippo
Je plusssoie, mon souriceau ! Un voyage en enfer et beaucoup de violence…
une belle claque litteraire ! Mais on en redemande ! 😉
Oui mais si j’écoute ton avis, ce n’est plus une balle perdue ?!? 😉
Comment veux-tu résister à une chronique aussi dithyrambique, surtout que La belette avait dit la même chose !
ah, si tu écoute mon avis alors tu seras une victime consentante Yvan 😉 mais franchement, c’est du très lourd ! Mais si tu lis ce roman, toi et d’autres, pour reprendre un titre de John Connolly ” laissez toute espérance” ! Amitiés
Bonjour Bruno,
Chapeau, extraordinaire chronique, j’aurais tout lâché pour me précipiter chez mon libraire sauf que…Satan dans le désert, je l’ai fréquenté il y a 2 ans et je l’ai abandonné à mi-parcours ou un peu moins, je ne sais plus.
Je pense l’avoir offert à notre ami commun, Pierre, dans le cadre du Marché de Noël. Écoeuré par cette violence gratuite, car gratuite, elle l’est. Point trop n’en faut et je pense avec conviction qu’écrire un livre sur le Mal absolu n’exige pas forcément ce déluge, ce déferlement de sauvagerie en continu. Voilà bien un exemple de la richesse de nos lecture. Des points de vue diamétralement opposés sur un même bouquin. Et ta petite femme, elle l’a lu ? 😉 Amitiés.
merci mon ami Jean, fidèle parmi les fidèles 😉 Je suis surpris d’apprendre que tu as abandonné ce roman en cours de route, c’est surprenant car je sais combien tu apprécies d’habitude les romans qui ont de l’épaisseur ! Il est clair que nous avons , pour une fois, un avis divergeant sur la question. Mais en même temps la question est vaste. Personnellement je ne considère pas que dès lors il y a de la violence extrême dans un bouquin , elle soit forcément gratuite. Dans ” Satan dans le désert” elle explique ainsi parfaitement la descente aux enfers de ce flic parti à la recherche de sa fille et sa transformation en bête de proie, elle permets de dévoiler la noirceur de l’âme humaine. J’imagine difficilement par exemple, qu’une histoire se passant au Mexique, abordant comme sujet les cartels, ne pas rendre compte de la violence extrême et hallucinante que l’on y voit à l’œuvre quotidiennement ( où les décapitations, les sévices en tout genre sont monnaies courantes). c’est là une réalité qu’il est difficile d’évacuer. Qu’il est dommage que nous n’ayons pas encore eu l’occasion de nous retrouver autour d’une chopine, je suis sûr que nous aurions des conversations riches et fort intéressantes ! je suis sur qu’on y prendrait beaucoup de plaisir 😉 Merci en tout cas d’avoir ainsi exprimé ton point de vue que je respecte tout à fait. Amitiés 😉
Bien d<accord avec toi sauf que j'ai lu ce livre il y a environ 15 ans et j'ai
lu les autres titres de cet auteur et Satan dans le désert reste le meilleur.
15 ans ca fait un bail en effet ! Je n’ai pas encore lu les autres mais il est vrai qu’il semble bien que Satan dans le desert reste son meilleur livre. Le tout dernier, dont le titre m’échappe, ne semble pas être aussi bon. Amitiés
je viens enfin de réussir à enregistrer mes commentaires sur ton site! Ne me demande pas pourquoi mais ça buguait…bref…
j’ai lu ta chronique quand tu l’as mise en ligne et je l’ai trouvée superbe.
Hop dans ma liste!
fais gaffe tout de même c’est un roman vraiment dur, mais c’est un ptit bijou ! un classique incontournable ! surtout, surtout vient me dire si tu l’as aimé ! ! 🙂
Douterais tu de ma force? 😉
Suis une warrior moi mossieur! lol Je te dirais 🙂
haha non promis je ne doute pas de toi !!! 😉 Mais je ne doute pas de Teran Boston non plus pour te donner des sueurs froides ! 🙂
plus d’un an a passé et je l’attaque aujourd’hui! 🙂
Comme quoi faut jamais désespérer!
Je penserai à toi pendant ma lecture mon chou car c’est ta chronique qui m’avait donné envie. Des bizoooos
mieux vaut tard que jamais !! j’espère que tu as aimé le livre autant que moi je l’ai aimé ! 🙂