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Si vous aimez les romans noirs bien ficelés, nul doute alors que vous aurez plaisir à lire le roman de Duane SWIERCZYNSKI, « Revolver ».
Cet ancien journaliste qui a aussi été scénariste pour Marvel Comics nous livre là un septième ouvrage des plus aboutis, dans la pure tradition des romans noirs américains.
Tout commence en 1965.
Stan Walczak, flic rigoureux, et son coéquipier Georges Willey ont rendez-vous avec un de leurs indics. Mais c’est un homme armé qui pénètre dans le bar où ils sont accoudés,
et qui abat froidement les deux policiers.
Pourquoi ont-ils été assassinés ? Étaient-ils sur une affaire qui aurait fini par déranger quelqu’un ?
Est-ce en lien avec le contexte social du moment qui voit se dérouler partout dans le pays des manifestations pour les droits civiques, suscitant des réactions violentes et
racistes ? A une époque où la ségrégation raciale peine à mourir, que le coéquipier de Stan soit un noir, détonne dans le paysage.
- Le temps a passé.
Jim, le fils de Stan, a suivi les pas de son géniteur. Devenu inspecteur, il reste hanté par la mort de son père. C’est sans doute la raison pour laquelle il conjugue sa vie professionnelle avec une consommation d’alcool excessive.
Homme torturé et plutôt renfermé, il se démène avec une enquête sur le viol et le meurtre d’une journaliste, dont l’affaire défraie la chronique.
Parallèlement il est obsédé par le fait que l’assassin présumé de son père ait été libéré, et l’idée de lui demander des comptes, et de se faire justice lui-même le taraude. Mais il n’aura pas le temps de passer à l’acte, car l’homme meurt brutalement à son tour.
" Le cliché du cinéma et des séries télé est qu'un bon flic pour s'insinuer dans l'esprit d'un tueur. Ce n'est pas le cas de Jim. La dernière chose qu'il veut faire, c'est entrer dans la tête d'une saloperie de meurtrier. Non, sa méthode favorite consiste à obliger le monstre à le regarder dans les yeux et l'éreinter jusqu'à ce que la vérité sorte".
La roue du temps s’accélère à nouveau.
- À l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort de Stan, à laquelle la police de Philadelphie s’apprête à rendre hommage, Audrey, fille adoptive de Jim qui est aujourd’hui à la retraite, revient dans la ville qu’elle a quittée il y a bien longtemps.
Elle y retrouve ses deux frères, et son père avec qui elle entretient des relations plutôt difficiles, parfois conflictuelles, et qui expliquent son éloignement pendant tant d’années.
Cette commémoration est l’occasion pour Audrey de s’intéresser à l’histoire de son grand-père, et à travers elle, aux drames familiaux qui rongent les siens depuis des années. Étudiante en criminologie, elle va reprendre une enquête vieille de cinquante ans non sans quelques crispations familiales.
Car cette recherche de la vérité va bousculer bien des choses et faire voler en éclat la version officielle.
À partir de ce crime, et à travers trois générations de flics, Duane SWIERCZYNSKI va brosser le portrait d’une famille d’origine polonaise, les Walczak, celui d’une ville, Philadelphie, et les mœurs de sa police.
Alternant les retours en arrière, projetant son histoire tels des ricochets sur ces trois périodes, Duane SWIERCZYNSKI parvient à construire un polar efficace, qui ne manque ni de rebondissements ni parfois d’humour.
Il enchevêtre habillement les failles de cette famille déchirée, aux relations compliquées, confrontée à la mort d’un des siens dont le mystère hante toujours le souvenir, et l’histoire de Philadelphie traversée par les enjeux sociopolitiques de l’époque.
Violence, corruption, pression, racisme, autant de maux qui transpirent au fil des pages et qui gangrènent la société de cette ville américaine aux multiples facettes et de ses habitants.
L’écriture de Duane SWIERCZYNSKI est efficace, et sert un scénario à la fois complexe et habile, où le rythme est donné par des chapitres courts perlés de rebondissements.
On reconnaîtra également un talent évident de l’auteur à créer des protagonistes d’une grande épaisseur, qui vont susciter des sentiments très variés chez le lecteur.
Celui d’Audrey est sans doute celui le plus symptomatique. Jeune fille fougueuse, dotée d’un caractère bien trempé, reine du Blody Mary dont elle encaisse sans mal la quantité de verres avalés, dont la force réside dans cette obstination à vouloir savoir. Une femme aux les saillies verbales et à l’humour décapant qui en font un personnage hors norme.
Elle seule aura la distance suffisante vis-à-vis du désespoir familial dans lequel baignent les siens pour déterrer la vérité, tout en mettant à jour les rancœurs, les rivalités qui parcourent cette famille dont les liens restent malgré tout très solides.
Revolver est un bon roman noir comme on les aime.
Bonjour,
J’ai adoré ce roman.
https://broblogblack.wordpress.com/2023/06/07/comme-si-tout-le-monde-etait-encore-vivant-ou-deja-mort/
Dès que jai du temps je lis les autres…
Merci pour votre critique.
François Braud
Bonjour François ! Effectivement un superbe roman ! 🙂