LE CIEL EN SA FUREUR

27 octobre 2024

Roman de

Adeline FLEURY

Édité chez

L'Observatoire

Date de sortie
3 janvier 2024
Genre
Roman noir
Pays de l'auteur
France
Avis

Il y a le titre, magnifique et poétique, mais annonciateur de drame.

Il y a la couverture, non moins belle signée Henri Preste. La photo d’une maison abandonnée et d’une carcasse de voiture, comme un monde perdu ouvert sur un horizon incertain.

Je ne devais pas lire ce livre.

Mais parfois les choses se mettent en place et s’enclenchent comme les rouages d’ un mécanisme miniature réalisé par un orfèvre.

                           @Henri Prestes

Il y a d’abord eu, aux détours d’un étale de libraire, cette quatrième de couverture qui m’accroche et intrigue ma curiosité, mais sans me pousser à caresser du regard les premiers mots de quelque chapitre.

Il y a eu ensuite un peu plus tard la rencontre fortuite de l’auteur au festival Toulouse Polar du Sud, et l’échange délicieux qui s’en est suivi. Juste quelques instants , quelques mots, mais qui vous mettent en disposition de recevoir .

Enfin il y a mon amie Évelyne, comme un coup de pouce ou plutôt une pichnette dans le dos, un «  mais vas-y donc ! «  symbolique et qui décide de m’offrir ce roman.

Alors j’ai plongé . Je me suis immergé totalement dans l’univers d’ Adeline Fleury, pour en ressortir enthousiasmé par son écriture et l’histoire belle et dramatique de ce petit bout de France balayé par les vents .

Nous sommes en Normandie rurale, dans un petit village où bien sûr tout le monde se connait.

                    @johann-walter-bantz

Enfin presque, parce qu’il y a ce lotissement, collé à lui comme une verrue de modernité qui grignote la campagne , et qui n’a pour âme que son uniformité froide, et pour appartenance que sa monotonie.

On ignore le nom de ceux qui y habitent. On les appelle « ceux du lotissement » et c’est bien suffisant.

Un jour il se met à pleuvoir des crapauds.

Plus tard, une vache mutilée, puis un cheval littéralement massacré. Pas l’œuvre d’un animal. D’autres bêtes suivront encore.

Au village, comme un réflexe, ressurgissent aussitôt les vieilles légendes. Celle en particulier du Varou, monstre assoiffé de vengeance qui serait de retour.

"Quand le varou m'emportera je m'endormirai dans le ciel de tes yeux."

Au milieu de cet émoi, deux femmes. Elles ne sont pas du cru, mais tentent de se faire accepter. Tout juste les tolère-t-on.

Julia la vétérinaire, qui exerce en lieu et place du Vieux, qui l’a formée à son arrivée, elle qui ne soignait jusque-là que les chiens et chats de la ville. Malgré son appui, elle fait face à la défiance des habitants du lieu et n’a pas le droit à l’ erreur.

La grande Stéphane, elle aussi est une ex-citadine qui traine derrière elle un passé douloureux. Dans cette campagne elle tente de se reconstruire et officie comme maréchale ferrante.

Avec Julia elles se retrouvent souvent au troquet du coin pour descendre quelques bières. Elle l’aime bien Julia. Faut dire qu’il n’y a qu’une femme pour pouvoir enflammer son cœur meurtri.

Ensemble , elles vont s’intéresser à ces évènements étranges et angoissants , alors que d’autres surviendront encore.

«  Le ciel en sa fureur » est un roman à l’atmosphère en tension et de non-dits, à l’alchimie particulière, qui mélange le réel à la légende , le factuel au magique. Un procédé que l’on retrouve chez certains auteurs sud-américains.

Vous y croiserez des géants et des enfants-fée, des humains tout aussi passionnants qu’ils peuvent pour certains, être inquiétants.

"On préfère encore croire aux fantômes et aux fées maléfiques pour expliquer certaines morts brutales plutôt qu'au désespoir des vivants. "

Un monde aux prises avec ses croyances et ses préjugés, où le droit à la différence est un combat et une souffrance, et dont le Varou pétri de violence n’est peut-être pas une malédiction, mais le fruit de cette intolérance qui parcourt cette société campagnarde.

Un univers où les sentiments et la lumière affleurent malgré  tout dans les interstices du drame qui se joue en ces terres, par une main glissée dans une autre, des regards qui se croisent, ou dans un jeu d’enfant.

A la fois conte noir et thriller rural, «  le ciel en sa fureur » est un tableau flamboyant, où la temporalité est à peine ébauchée , et où la plume d’Adeline Fleury , magnifique de simplicité et trempée dans l’encre de ces paysages, se fait sensorielle.

Vous sentirez l’humus des champs mouillés par la pluie, le vent qui souffle dans les volets, l’odeur des bêtes, le bruit des vagues au loin, mais vous subirez, les mouches et les effluves pestilentiels de la mort.

Dans cette histoire sombre qui fera ressurgir bien des secrets enfouis, le lecteur parviendra malgré tout à extraire toute la charge poétique de cette noirceur qui imprègne cet incroyable roman.

 

 

 

 

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