A la base, je ne suis pas un grand fan de thrillers, mais comme je refuse de mourir idiot, il m’arrive de temps en temps de m’y intéresser. Hélas, rares sont les fois où j’en ressort satisfait. Heureusement, ce roman fait exception.

Oldforest, premier tome d’une trilogie annoncée signée Pierre-Yves Touzot, est un thriller d’aventure teinté de fantastique, qui nous entraîne au cœur de l’Ouest canadien, dans un parc national aussi somptueux qu’inquiétant, théâtre d’une quête aussi intime que périlleuse.

Le genre de roman qui nous happe dès les premières lignes, qui nous transportent dans des univers à la fois étrangers et familiers, où le mystère s’entrelace avec la beauté sauvage des paysages.

@izzy-edey

Dix ans après un drame personnel, Anton Reed revient à Oldforest pour affronter les fantômes du passé. C’est ici que sa compagne, Déborah, a perdu la vie dans un accident dont lui est sorti vivant, mais brisé. En revenant sur les lieux ,il espère faire enfin son deuil et la paix avec lui-même.

 Mais lorsqu’il croit apercevoir, dans l’unique village du parc, le visage familier de la disparue, tout bascule. Ce n’est plus un pèlerinage de deuil, mais une recherche de vérité qui s’engage.

Dès lors, une atmosphère troublante s’installe. Les habitants d’Helltown, communauté repliée sur elle-même et méfiante, affichent une hostilité sourde à l’égard d’Anton. Les regards fuyants, les silences pesants, les échanges énigmatiques, semblent cacher quelque chose d’essentiel.

Au cœur de cette société fermée, il rencontre Alaska, photographe installée là depuis quelques années. Elle aussi traîne ses propres blessures, et surtout ses interrogations. Ensemble, ils vont décider de percer les mystères d’un lieu où rien ne semble tout à fait naturel.

L’écriture de Touzot frappe par sa précision visuelle et son rythme maîtrisé. Réalisateur de métier, il possède un sens aigu de la mise en scène. Chaque moment semble cadré comme une séquence de film et les dialogues ponctuent l’action avec efficacité.

Sans nuire à l’intensité du récit, ce style, parfois très factuel, laisse quelque fois à distance les émotions intérieures des personnages, que l’on devine plus qu’on ne les explore.

Par ailleurs, la nature prend une dimension saisissante sous la plume de l’ écrivain, dont la force évocatrice est remarquable.

La forêt originelle d’Oldforest n’est pas qu’un décor, elle est presque un personnage à part entière. Immense, millénaire, mystérieuse, elle semble vivante, douée d’une mémoire et d’une volonté propre.

L’auteur nous y plonge , dans une immersion sensorielle puissante où le froid mordant, la fatigue, la solitude et la grandeur des paysages sont rendus avec une incroyable acuité. Il la peint avec une sensibilité rare, mêlant émerveillement et inquiétude.

Cette attention à l’environnement, cette manière d’insuffler du mystère dans le moindre bruissement de feuille ou cri d’animal, place Oldforest dans une tension dramatique constante.

Le roman flirte aussi avec le surnaturel, mais avec subtilité. Il ne s’agit pas de fantômes tapageurs ou de monstres surgissant des buissons, mais plutôt d’un glissement progressif vers l’étrange, l’inexpliqué, ce que certains appellent la magie du réel.

 Ce dosage délicat entre thriller, aventure et fantastique donne à l’ensemble une tonalité singulière et captivante.

En refermant ce livre, on est à la fois rassasié et frustré. L’intrigue principale trouve un dénouement satisfaisant, mais l’univers mis en place recèle encore bien des secrets.

Ce n’est que le premier volet d’une trilogie, et on quitte Oldforest avec l’envie fébrile d’y retourner, malgré les dangers, les non-dits, et les morsures du froid.

Pierre-Yves Touzot signe donc ici un roman dense, immersif et audacieux. Un récit d’aventure intelligent, à la croisée des genres, qui laisse une empreinte durable.

 À lire de préférence bien emmitouflé, tant le froid et les mystères d’Oldforest traversent les pages comme un souffle venu du nord.

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