Je travaillais depuis trois semaines dans une usine de plastiques dans le Mississippi lorsque le contremaître - un bouseux à la dentition en décapsuleur du nom de Cyrus Broadway - commit l'erreur de me traiter de connard feignant. Alors bon, je suis peut-être feignant, mais je suis aussi méchant comme une teigne. J'ai fréquenté des prisons et des cellules de dégrisement partout dans ce pays, depuis les cachots poussiéreux à la frontière du désert Mojave jusqu'aux cabanes humides sur une île au large de la côte du Maine. Et personne ne peut m'insulter impunément, même si, pour ce gars-là, ce n'est qu'une plaisanterie. Le temps qu'on me sépare de Cyrus Broadway, je lui avais tellement écrasé la gueule qu'elle n'était plus que de la chair à saucisse. Ses grandes dents de cheval étaient dispersées sur le sol de l'atelier, à côté de lui.
Bien sûr, quand vous êtes une personne obèse, dégoulinante de sueur, qui se déplace avec difficulté, l’air tout ce qu’il de plus banal de l’américain moyen gavé aux hamburgers et aux sodas, vous êtes une cible facile pour un petit malfrat bien décidé à plumer le pigeon qu’il trouvera sur sa route.
C’est comme ca que Geoffroy Webb se retrouve braqué sur l’aire d’une station Texaco par un voyou qui le menace d’une arme au moment où il monte dans sa voiture.
Mais quand vous êtes un homme qui a noirci ses mains et son âme à mesure que vous avez avancé dans l’existence, que vous êtes revenu de tout et que vous vous promettez aux flammes de l’enfer, se retrouver avec un flingue qui vous rentre dans la cellulite, franchement il y aurait là presque matière à rire !
C’est ce que ce jeune voyou , violent et déterminé va rapidement comprendre. Car plutôt que de se laisser impressionner, Geoffroy Webb va faire une étrange proposition à son agresseur. De l’argent, il est prêt lui donner, près de 3000 dollars . En échange de quoi ,il lui demande juste de l’accompagner jusqu’à Little Rock, en Arkansas, à cinq heures de route de là, et d’écouter ce qu’il a à lui raconter.
Des lors les rôles s’inversent, l’histoire se recentre sur Geoffroy Webb, et quand celui-ci commence son récit , c’est à une véritable confession qu’il se livre . Et il ne faut pas bien longtemps pour comprendre que la fenêtre qu’il entrouvre sur sa vie, donne sur un abîme d’une noirceur sans fond.
Celle d’un gars né des cailloux plein les chaussures ayant grandi à l’ombre d’un père violent et alcoolique, mais redoutablement malin , doté d’une compréhension fine de la manière dont tourne le monde, et d’un sens inné pour la manipulation.
Avec cet art consommé qui est le sien, lui est rapidement apparu comme une évidence que pour nourrir son ambition, en dominant et manipulant ses congénères, la religion offrait les meilleures perspectives possibles.
La religion est le boulot le plus génial jamais inventé, parce que personne ne perd jamais d’argent en prétendant parler à l’homme invisible installé là-haut . Les gens croient déjà en lui. Ils acceptent déjà le fait qu’ils lui doivent de l’argent, et ils pensent même qu’ils brûleront en enfer s’ils ne le paient pas. Celui qui n’arrive par à faire de l’argent dans le business de la religion n’a vraiment rien compris.
La foi des hommes est un fruit dont la crédulité est le vers , et Geoffroy Webb va donc très vite dévorer de l’intérieur les fondements de cette petite communauté religieuse constituée de bouseux bas du front, qu’à un moment de son existence il va intégrer, pour mettre à dessein sa soif d’ambition et sa quête de pouvoir.
Sûr de son charisme et de son emprise sur celle-ci celui ci va alors se livrer aux pires méfaits.
Le personnage Geoffroy Webb, n’est pas un être foncièrement malfaisant à la base. Mais en se servant de l’église à ses fins, en exploitant son art de la manipulation avec de l’humain pour matière, il va finir par déclencher, moins par ses intentions que par l’enchaînement des événements qu’il provoque, un véritable cataclysme de violence.
Une violence qu’il assume non sans un certain détachement, tout comme dans le regard qu’il porte sur cette communauté qu’il gangrène et qui le fera roi au pays des ploucs, rajoutant à la noirceur du texte.
Je leur balançais un sacré sermon ce jour là. Mais tout le temps qu'il dura, je ne cessais de me dire: comment se fait-il qu'ils ne se rendent même pas compte à quel point tout ça, ce sont des conneries ?
Car à travers lui, Jake HINKSON règle aussi ses comptes avec l’ église baptiste dans laquelle évolue son personnage et qu’il connait lui même fort bien, pour y avoir grandi. Une église qui a marqué au fer sa jeunesse et qu’il raille aujourd’hui avec férocité.
Avec ” l’enfer de Church Street”, l’auteur nous dégaine un roman d’un noir magistral, bourré de cynisme ,de perversité mais aussi d’un humour noir décapant qui font de ce bouquin une vraie pépite, dotée d’une fin totalement inattendue, qui surprendra même le plus blasé des lecteurs.
Il y a assurément de Jim Thompson et du Harry Crew dans l’écriture de Jake HINKSON et ” l’enfer de Church Street” nous augure , je l’espère en tout cas, une œuvre à venir des plus originales et des plus intéressantes qu’il conviendra assurément de suivre.
Salut mon ami, j’ai prévu de le lire la semaine prochaine. Entre toi et Richard, vous êtes unanimes. Si j’ajoute Yan, je pense que la lecture s’impose ! A + mon pote
Alors là mon pèpère tu vas te faire un rail de pur bonheur !!!!!! connaissant tes goût, ce bouquin, tu vas le dévorer !!!
Je me posais des questions sur ce roman, tu m’apportes pas mal de réponses 😉
la seule question qui vaille au final c’est de savoir si je t’ai convaincu ( avec d’autres, comme David) de le lire 🙂 j’espère que oui !! ^^
on aurait envie de citer la moitié du bouquin tellement certaines phrases sont si bien tournées !
c’est vrai, j’en avais souligné d’autres mais j’allais pas recopier le bouquin non plus, mais c’est frustrant de ne pouvoir tout citer ! 🙂
Oh Oh , le ton est donné ! Entre humour féroce et sombre profondeur ? J’adhère .
Cela fait un moment que je joue à ” j’attrape , je repose ” ne sachant pas trop à quoi m’attendre . Mais à la lecture de cette chronique je suis de plus en plus tentée d’autant que la collection est sympa ( j’aime bien le format peu …bible ). J’ai S.Craig Zahler dans ma PAL.
A bientôt 😉
celui là si tu le reposes…… je me fais moine ( avec la tonsure qui va avec ! ) 🙂
Bonsoir La petite souris, tu m’as convaincue. J’ai lu le roman le week-end dernier: saignant. Goeffrey Webb est un personnage hors norme dont on n’arrive même pas à condamner les crimes (sauf peut-être un). Bonne soirée.
WHHHAAAAOUUUUUU que je suis content !!!!! d’abord de t’avopir convaincu à lire le livre, mais surtout que tu aies beaucoup aimé !!!! j’attends ta chronique avec grande impatience !!!!! 🙂
tu sais que j’t’aime toi ? 😉 😉
fichtre où est passé ma réponse ! bon je te disais tout d’abord un grand merci pour le lien !! c’est super gentil de ta part ! pardonne moi si je ne réponds que maintenant à ton com mais tu vas pas le croire je n’étais pas encore passé sur mon site depuis mon retour de vacances ! 🙂 Merci encore mon ami !