De prime abord, un titre comme celui-ci laisserait facilement penser à une histoire fantastique, qui mêlerait féerie ou univers horrifique à celui des humains. Mais « le monde d’en bas » d’Alain Bron est bien celui des hommes.
Ici point de magie, d’êtres bizarres et mystérieux, venus d’outre-tombe ou d’ailleurs. Juste une frange d’une humanité qui grouille, se côtoie, vit et se terre loin du jour, et parfois loin des lumières du passé et de la justice des hommes.
C’est là, dans ce labyrinthe de tunnels, de galeries, de portes, de conduites et de dédales souterrains que se cache un homme, Ettore Bisulli. Son nom ne dit rien à personne. Pourtant celui-ci est chargé du sang de l’histoire.
Celle de l’Italie, celle des années de plombs quand dans les années 70 les éclats de métal et la poudre trouaient le drapeau de la République, quand aux bombes de l’extrême droite répondaient les rafales et les balles de l’extrême gauche.
Dans ces souterrains Ettore Bisulli cache son passé et se terre pour échapper à ceux qui ont juré sa mort.
Car si le temps des Brigades Rouges auxquelles il a appartenu est révolu, celui de la vengeance et des règlements de compte ne connait lui, pas de prescription.
Alors il se terre ici à Paris, en cette terre de France qui du temps de Mitterrand accueillait les brigadistes repentis, pour peu qu’ils cessaient définitivement leur combat. Mais les temps ont changé et Mitterrand est parti.
Au fond de son antre, Ettore fréquente un autre monde. Celui des invisibles. Des petites gens au regard tourné vers le sol, des SDF paumés, des ouvriers du métro.
Un monde gris et sans couleur, mais un monde loin du tumulte de l’extérieur, où il y trouve cependant une certaine quiétude qu’il met à profit, dans cette alcôve qu’il s’est aménagée sous un bâtiment de Paris, pour écrire, encore et encore.
Car Ettore a des choses à raconter. Son passé de brigadiste. Celui d’un jeune activiste qui progressivement va basculer dans la violence. Il raconte son parcours, cette fuite en avant au cours de laquelle il finira par laisser s’envoler son idéal.
Régulièrement il remonte à la surface pour envoyer quelques chapitres de son livre à un éditeur qui ne tardera pas à vouloir se mettre en quête de cet auteur autant mystérieux que passionnant.
Mais il n’est pas le seul à vouloir le trouver et l’obscurité, le silence, ne seront bientôt plus le meilleur des remparts contre un destin avec lequel Ettore a rendez-vous.
Car déjà la menace rôde en ces lieux.
Alain Bron signe avec « Le monde d’en bas » un roman des plus originaux. Difficile d’imaginer en effet pour le lecteur qu’en descendant dans les tréfonds parisiens, il aurait rendez-vous avec l’une des pages les plus sombres de l’histoire de l’Italie moderne.
A travers un personnage qui a besoin de coucher sur le papier sa vie clandestine et ses années d’activisme violent, nous suivons un homme qui revisite son histoire, et qui porte sur son passé un regard froid et sans concession. Une introspection qui met à jour progressivement l’effritement d’une conviction politique, l’érosion d’une détermination à la lutte.
Et le passé d’Ettore est à l’image de ces souterrains tortueux qui courent en tous sens dans lesquels il a trouvé refuge. Un parcours sinueux, rempli à son début d’exaltation, d’amour, de camaraderie, et qui se charge au fil du temps de doutes, de suspicions et de trahison.
Alain Bron nous fait revivre à travers ce personnage abîmé l’histoire de ces brigades dont le rouge de leur idéal a laissé place à celui du sang versé. Des jeunes qui rackettent, qui tirent dans les jambes de leur cible avant d’en arriver à assassiner.
Un point de non-retour, un précipice dans lequel ils finiront par se perdre.
Mais « le monde d’en bas » ne se résume pas à ces pages sombres de l’histoire, c’est aussi une très belle galerie de personnages .Portrait de flics, de petites gens (à l’image de cette naine qui apprend aux SDF à faire la manche dans le métro) et un univers souterrain admirablement bien rendu, qui témoigne du long travail de documentation réalisé par l’auteur.
A cela se rajoute une plume juste, précise et harmonieuse au service d’un scénario efficace, où l’action n’est pas absente, et dont la fin en surprendra plus d’un.
« Le monde d’en bas », c’est aux éditions IN OCTAVO .
Mon mulot,
Je te remercie pour cette très chouette chronique qui donne fort envie de lire ce monde d’en bas. Amitiés.
Ah alors l’objectif est atteint !!! merci mon Jean ! 🙂
Merci, Bruno, pour ce commentaire de lecture très fidèle. Etonnant comme vous avez su capturer l’esprit du roman. Amicalement. Alain Bron
Merci à vous Alain ! Au plaisir de lire votre suivant ! 🙂 Et Bonne année !