Qui n’a pas un jour rêvé de faire la traversée des Etats Unis sur ces vastes langues de bitumes au milieu de paysages grandioses ?
C’est à ce voyage que nous prenons part aux côtés de l’héroïne de J. E. Miller, héroïne dont on ne connaîtra pas le nom.
Au volant de sa Mustang elle décide en effet de quitter la Nouvelle Orléans (peu de temps avant que le déluge ne s’abatte sur cette ville) pour rejoindre son ex-amoureux, Georges, qui habite quant à lui à Seattle sur la côte Ouest des États Unis. Installez vous donc confortablement sur le siège passager et laissez vous conduire.
Peut être au bout d’un moment commencerez vous à sentir une drôle d’odeur dans la voiture. Oh trois fois rien, juste quelques effluves éparses qui viennent chatouiller vos narines, mais qui subrepticement commence à vous mettre mal à l’aise. Et si l’intensité de cette odeur qui ira crescendo au fil de ce trajet de plusieurs jours devient insupportable , il vous faudra bien vous y habituer !
Car notre héroïne est comme ça, elle n’aime pas laisser quelque choses derrière. Aussi, il était tout à fait logique qu’elle range dans son coffre, à défaut de bagages, le corps de son amant Jack! Tout le monde peut comprendre ça non ? Et n’allez pas croire que c’est une mauvaise fille qui ferait le mal autour d’elle ! Ce serait franchement faire preuve chez vous, d’un esprit mal tourné !
« Georges était un type bien et je ne l’ai pas tué ; mais je lui ai brisé le cœur. Il m’a offert cette Mustang et quand j’arriverai enfin à Seattle je me garerai devant chez lui, il descendra les marches de sa véranda en courant, il se penchera par la vitre brisée et il m’embrassera. Tout sera alors parfait.Mais avant d’arriver là bas, il faut que je me débarrasse de Jack. Lui, ce n’était pas un type bien, et je l’ai tué (…) il est hors de question qu’il soit encore dans mon coffre quand j’arriverai à bon port »
Elle a même de l’empathie pour les autres êtres vivants quand elle ne les sent pas menaçants pour elle.
N’a-t-elle pas eu d’ailleurs le courage d’aller délivrer une poule d’un énorme camion en stationnement qui en transportait des centaines, pour lui donner un autre destin que celui, funeste, qui l’attendait ? ( même si c’est au prix de dizaines de ses congénères qui se retrouvent sur l’asphalte et qui se feront décapiter, plumer et écraser par la circulation, au point de provoquer un accident !).
Elle en a même pour son amant mort qui pourrit doucement dans le coffre de sa Mustang en allant s’enquérir régulièrement de l’avancée de sa transformation. Elle veille toujours à lui donner un aspect acceptable, quitte à lui refaire des yeux en cartons pour compenser les siens que la poule lui à incongrument picorés.
Ce trajet jusqu’à Seattle est l’occasion de se remémorer sa vie avec Jack, une vie surtout faite de sexe, et de la mettre en perspective avec celle, idéalisée, qu’elle mènera avec Georges (qui ne sait pas encore qu’il va avoir le bonheur de retrouver sa bien aimée !). Pourtant, au fil des kilomètres, ce sont aussi les certitudes de notre héroïne qui vont entrer dans une phase de décomposition. Vivant dans un monde binaire, non pas entre ce qui est bien et ce qui est mal, mais un univers où les choses sont comme ci ou comme ça (« Si ce policier n’a pas envie de coucher avec moi c’est qu’il est homo et malheureux donc je le plains. » ).
Or la réalité si elle est plus triviale, elle est aussi plus complexe. Et c’est ce que va finir par comprendre notre héroïne ; que nos actes sont irréversibles et que l’on ne peut jamais réécrire l’histoire pour lui donner une tournure plus acceptable ou plus romantique. Finalement son escapade apparente à une fuite en avant, désespérée, dont elle finira par prendre conscience.
La fin de cette histoire pour pathétique et triste qu’elle soit, n’en est pas moins touchante. Car cee roman, c’est finalement l’histoire moderne d’une princesse perdue sur la route de la vie, qui croit que les princes charmants existent encore, et qu’il suffit d’y croire très fort pour que vos vœux se réalisent. L’histoire d’une fille qui vit un peu décalée de la réalité mais qui, comme tout être humain a terriblement besoin d’amour.
Au final ce roman est un road story plutôt réussi, bourré d’humour noir (la scène des poules sur le bitume est croustillante), qui ne tombe jamais dans la vulgarité gratuite et dans l’exhibition malsaine. Et bien que le comportement de l’héroïne ne manque pas de nous donner la nausée au fil des pages, c’est une certaine compassion que l’on finit par ressentir à son égard à la fin de ce roman.
Pour peu que vous acceptiez de monter dans cette voiture …
Salut Bruno
J’avais adoré ce roman, à l’humour franchement décalé. Amitiés.
salut Claude ! Un super roman comme tu dis si bien, à l’humour décalé ! le livre qui te mets parfois mal à l’aise et qui en même temps t’arrache un sourire au moment où tu t’y attends le moins. Moi j’adore ! 🙂
Merci pour cette décomposition du texte 😉
Tu nous racontes l’histoire des poules ?? 😉
Alors toi tu te préoccupes plus du destin des poules que du macchabée dans le coffre !!! c’est du propre ! 😉 Pour l’histoire, le mieux c’est que tu lises le roman. Au délà des effluves qui te titilleront les narines, il n’en reste pas moins que c’est un bouquin qui se délecte, avec comme le dit mon ami Claude un humour décalé qui donne une certaine saveur à ce roman ! 😉 En tout cas, vraiment original , j’ai beaucoup aimé.
Très sympa et pleine de compassion cette jeune demoiselle qui craint de laisser pourrir seul un amant gentiment ” dessoudé ” pour aller rejoindre un ex à l’autre bout du pays .
Et l’histoire des poules est terrible ; pas trop le sens des proportions quand même cette fille-là !
Déjantée , cette histoire mais tentante , j’accepte volontiers l’invitation .
En voiture … 🙂
🙂
😉
héhé j’étais sur que tu n’hésiterais pas à monter dedans ! je pense que tu vas aimer ! quant aux poules…..ma foi, tu verras si un gallinacée ça court suffisamment vite pour échapper à son destin funeste 😉