À côté du grand nombre de livres vite lus, vite consommés, et qui racontent à peu près toujours la même chose, il est bon de trouver chez certains éditeurs, des textes plus consistants, que l’auteur a pris le temps de construire avec patience et rigueur, en travaillant l’épaisseur de ses personnages et les mots qu’il met au service de son intrigue.
C’est le cas chez les éditions AGULO avec le dernier roman du polonais Wojciech Chmielarz « la cité des rêves », remarquable roman, dans la lignée des trois précédents déjà publiés (chez Agullo toujours).
Wojciech Chmielarz est un auteur qui pose progressivement et calmement les éléments d’une histoire qui va se révéler particulièrement dense, où les enquêtes annexes s’entremêlent avec la trame principale pour donner au final, un portrait au vitriol de la société polonaise.
Tout démarre avec la découverte du corps d’une jeune femme sur le parvis d’un des quartiers les plus chics de Varsovie.
Un fait divers sordide, mais somme toute banal, si ce n’est que l’enquête va vite faire apparaitre que la victime occupait un logement dont le propriétaire n’est autre que Piotr Celtycki une ancienne figure de la politique polonaise. Un homme aujourd’hui fini et rejeté par son propre parti pour des malversations avérées.
Autant dire que les pressions ne tarderont pas à se faire jour pour que l’affaire soit résolue au plus vite et qu’elle ne fasse pas de vague.
Cela aurait dû être d’ailleurs le cas, puisque très vite, une jeune Ukrainienne s’accuse du meurtre au motif qu’employée comme femme de ménage par la victime, elle n’aurait plus supporté ses brimades blessantes et ses réflexions quotidiennes. Une humiliation récurrente, qui venait aussi de la part du reste des habitants de l’immeuble.
Sous le coup de la colère, elle aurait donc poignardé mortellement son employeur.
Mais cette enquête, c’est l’inspecteur Jakub Mortka dit Le Kub et Anna Suchocka, alias la Sèche qui la mène. Et pour lui, les aveux ne lui semblent pas crédibles. Il est même persuadé qu’on l’a forcé à se dénoncer. Pourquoi ? Qu’est-ce qui peut lui faire si peur au point de risquer de passer un grand nombre d’années derrière les barreaux en lieu et place du coupable ?
Le duo va donc creuser. La vie de la victime d’abord, étudiante en journalisme qui vivait en colocation avec deux autres jeunes filles.
Celle de Piotr Celtycki ensuite, le politicien propriétaire de l’appartement qui s’est reconverti dans l’investissement immobilier et possède plusieurs logements dans la cité.
Son opiniâtreté, le flair de sa partenaire, vont les amener regarder derrière les rideaux épais de ces façades huppées de Varsovie à la sérénité trompeuse, et mettre à jour bien des affaires glauques.
Car ce quartier bourgeois dans lequel Le Kub mène son enquête est un formidable concentré des maux qui touchent la société polonaise, et dont l’inspecteur prendra la mesure au fil de ses investigations.
Mépris pour les immigrés ukrainiens, presse inféodée au clientélisme des élites, compromission de ces mêmes élites avec la mafia, trafics en tout genre, corruption, autant de plaies dont certaines sont des survivances de l’ex-régime communiste, et qui gangrènent le pays.
Et c’est bien tout le talent de Wojciech Chmielarz que de mettre en exergue ces fléaux à travers l’histoire de cette jeune étudiante en journalisme, brillante et prometteuse dont l’Ideal se brise sur cette triste réalité.
L’auteur décortique méthodiquement page après page, les rouages de ces relations interdites mettant à nu cette société conservatrice, mais fourvoyée, où chacun s’accroche à ses privilèges, et où l’argent et le pouvoir justifient tous les moyens. Un tableau peint au vitriol qui porte aussi un regard sombre sur la place de la femme dans cette société.
« La cité du paradis » est un roman plein, dans lequel on s’engage à pas feutrés, mais qui va conduire son lecteur dans l’enchevêtrement d’une histoire qui s’avèrera bien plus complexe qu’elle en a l’air de prime abord.
On y retrouve avec plaisir l’inspecteur Le Kub, rencontré dans les précédents ouvrages de l’auteur. Un homme enfin apaisé que l’on devine même peut être amoureux depuis qu’il fréquente Olga. On le découvre dans son intimité, on le suit dans son quotidien professionnel, et forcément on s’attache à lui, malgré un caractère bien trempé, mais qui fait de lui aussi un redoutable limier.
Si nous n’avez pas encore eu la chance de lire un roman de Wojciech Chmielarz , il est peut être temps de s’intéresser à lui, car « La cité des rêves » est un texte magnifique qui vient nous rappeler qu’il y a aussi de la belle littérature à l’Est de l’Europe !
Merci, ça donne très envie. Du coup, ça vaut peut-être la peine de commencer par les premiers, non ?
Bonsoir Sylvie, oui je pense que ca vaut la peine que commencer par les premiers. Ne serait ce parce qu’au fil des romans tu verras l’évolution de certains personnages. C’est un écrivain de grande qualité ! 😉 Je te souhaite du plaisir à le découvrir !! 🙂
Je partage totalement cet enthousiasme
Merci Victor ! c’est effectivement un excellent roman !!! 😉