Edouard Lavenant est un vieux monsieur. Il est veuf et fortuné de surcroît.
Il vit dans un petit village reculé de la Drôme où les jours s’écoulent paisiblement, au milieu d’une nature gorgée de soleil et rythmée au chant des oiseaux.
Dans ce cadre idyllique, il vie avec Thérèse, sa dame de compagnie qu’il a recrutée depuis qu’un AVC a considérablement réduit sa motricité, et qu’Alzheimer s’est invité pour l’accompagner dans ses dernières années.
Bien que délicieusement détestable avec elle, Edouard ne peut plus s’en passer. Elle remplit et distrait la vie de cet acariâtre qui ne manque jamais une occasion de la railler ou de la contredire.
Au fil du temps pourtant, leur relation ressemble de plus en plus à celle d’un vieux couple emmitouflé dans la routine du quotidien.
Quelques ballades et pique-niques, quelques sorties au village où Edouard en profite pour fausser compagnie à Thérèse occupée à faire les courses, histoire d’aller au bistro de la place pour s’humecter le gosier d’un ou deux pastis.
Un jour Edouard reçoit la visite d’un homme. Il apprend que c’est son fils. A peine surpris, il le découvre sans vouloir s’y attacher. Ils se parlent, un peu, partage quelques moments. Edouard lui apprend à siffler, l’emmène à la pêche.
L’histoire aurait pu être celle de retrouvailles entre un père et son fils, et ouvrir des perspectives joyeuses.
Mais vous avez oublié une chose. Vous lisez un roman noir. Et celui qui tient la plume de cette histoire est un des maître français en la matière !
Alors de retrouvailles il n’en sera pas question. Car son fils, en voulant rattraper le chapeau de son père qui s’envole, va se précipiter accidentellement dans un ravin. Mort. Plus de fils. Point final.
C’est bête, mais après tout Edouard a toujours vécu sans, alors…
Alors la vie continue. Jusqu’au prochain drame.
Pascal Garnier fait indéniablement partie de mes auteurs préférés. J’ai eu l’occasion déjà de chroniquer certains de ses romans comme « La place du mort », « la théorie du panda » ou « lune captive dans un œil mort », et c’est toujours avec la même gourmandise que j’ouvre un de ses livres.
Se plonger dans l’une de ses œuvres c’est assurément la garantie de lire quelque chose de jubilatoire, délicieusement méchant, tout autant qu’attendrissant.
Car cet écrivain n’a pas son pareil pour croquer avec férocité les travers de notre société, tout en ayant pour ses personnages, dont on le sent très proche, la plus grande des tendresses.
Les protagonistes de ses romans, c’est vous, c’est moi, des gens ordinaires, qui se retrouvent durement confronté à la vie, cabossés par ses difficultés et ses coup durs, qui réagissent comme ils peuvent quand celle-ci les fait basculer brutalement dans le drame ou l’horreur, sans finalement jamais maîtriser grand-chose de leur destin.
L’horreur dans l’ordinaire, voilà la patte de Pascal Garnier. Et « Les hauts d’en bas » s’inscrit dans cette architecture propre à l’auteur. Vous lisez quelques chapitres qui décrivent une vie tout ce
qu’il y a de plus ordinaire, de plus banale, et survient le drame, presque par inadvertance, et le plus naturellement du monde. C’est posé là dans le texte, froidement, sans préavis.
Dans « Les hauts d’en bas », ce qui est encore plus délicieusement incorrect, c’est le détachement avec lequel Edouard Lavenant regarde la catastrophe s’abattre autour de lui, sans jamais ressentir la moindre empathie pour ceux sur lesquels le drame survient.
Il avance dans sa propre existence sans se soucier du reste, comme un spectateur du monde qui l’entoure. Et le pire, c’est que l’on parvient à s’attacher à ce genre de bonhomme qui malgré tout porte en lui une faiblesse toute attendrissante.
Les protagonistes de Pascal Garnier sont bien loin d’être superficiels comme ils semblent l’être de prime abord. Avec beaucoup d’ironie mais sans le moindre soupçon de cynisme, l’auteur nous offre des œuvres savoureuses et truculentes d’humour noir, parfois caustique et grinçantes.
Et c’’est sans doute parce que Pascal Garnier aimait à regarder les hommes pris dans la toile de l’existence, se débattre désespérément contre la fatalité, qu’il les trouvait attachant dans leur faiblesse et leur vulnérabilité. Sans doute aussi, parce que fasciné par leur propension à provoquer toujours pire encore, il avait pour eux cette infinie tendresse qui transpire de ses textes.
Pascal Garnier est un auteur qu’il faut absolument lire si vous aimez le roman noir. Malheureusement parti trop tôt en 2010, emporté par la maladie, je n’aurai pas eu l’occasion de le rencontrer. Ce sera là, un de mes plus grands regrets de lecteur.
Bonjour Bruno
J’ai eu le plaisir de rencontrer à plusieurs reprises Pascal Garnier et je peux t’assurer que c’était un Monsieur absolument charmant et qui ne se prenait pas au sérieux comparé à certains auteurs imbus d’eux-même. Heureusement il reste ses ouvrages, ce qui ne le remplace pas certes, mais qui nous accompagnent.
Amitiés
la chance que tu as eu mon cher Paul !! je t’envie vraiment, s’il est un des auteurs que j’aurai vraiment eu envie un jour de rencontrer pour discuter avec lui c’est bien lui ! oui il nous reste ses oeuvres à lire ou à relire et j’espère que les éditions Zulma continueront leur travail de réédition des oeuvres de cet écrivain qui fait incontestablement partie de mon panthéon litteraire !! 🙂
Mon mulot,
Effectivement, Pascal Garnier est un immense auteur que j’apprécie. Il sait tellement bien raconter une histoire en relativement peu de pages qu’il devrait en inspirer plus d’un. Ce titre est dans ma liste de souhaits et pour cette raison, je n’ai pas lu ta chronique que je sais excellente. Amitiés. Jean.
Merci mon ami !Oui un auteur tellement savoureux à lire !!! tu vas te régaler aussi avec celui là ! j’attends ton avis avec impatience ! 😉