Depuis quelques années maintenant Hervé Claude fait entendre sa petite musique dans le lanterneau du polar francophone. Loin des stéréotypes du genre, il imprime sa vision du monde et des hommes à travers des personnages hors du commun, en des terres qui en feraient rêver plus d’un , mais où pourtant la violence de la nature et des hommes qui la foulent, rappellent que le paradis sur terre n’existe pas mais que l’enfer est une promesse permanente.
Abandonnant les caméras des plateaux télé, délaissant l’actualité, ce journaliste vagabond a décidé de tremper sa plume dans l’encre noire d’une Australie qui a du mal à marier les couleurs, et qui refoule une partie de son histoire et de son passé dans les terres chaudes de l’Out back, comme une vielle carcasse de tôle qu’on laisserait rouiller au soleil.
Je suis en principe relativement prudent à l’égard d’écrivains français qui campent leurs histoires dans des pays étrangers. J’ai toujours peur que la vision qui m’en soit donnée soit tronquée par une approche folklorique, stéréotypée et donc superficielle du pays en question.
Car il ne suffit pas d’y avoir voyagé pour embrasser toute la complexité d’un pays, encore faut il le vivre et le ressentir de l’intérieur. Cela n’est pas forcément une garantie, certes, juste un chance peut être pour éviter ce travers, mais Hervé Claude lui vit une grande partie de l’année en Australie, au contact de ce peuple dual si difficile à cerner et qui cherche encore son identité et son destin commun.
C’est dans ce pays grandiose que nous retrouvons Ange le flic et Ashe , son ami français, deux personnages que le lecteur aura déjà rencontré dans un précédent roman de l’auteur.
En l’espace de quelques semaines, des cadavres sont retrouvés aux différents coins du pays. Quatre figures iconiques du mythe de l’Australie moderne: un routier, un bûcheron, un financier et un mineur. Rien ne devrait en principe relier ces meurtres entre eux, si ce n’est que les victimes ont été atrocement mutilées et ont eu leur sexe sectionné.
La presse a tôt fait de faire le rapprochement entre ces crimes et des pratiques ancestrales aborigènes qui consistaient jusqu’à il y a peu, à pratiquer une subincision, une mutilation du sexe des jeunes garçons au moment de leur puberté, à l’image des incisions faites aux jeunes filles en Afrique.
Vengeance aborigène contre la domination blanche, qui s’attaquerait aux symboles de cette Australie insolente de réussite et conquérante ? Il n’en fallait pas plus pour faire rejaillir toute la suspicion et la haine portées par bon nombre contre les aborigènes. Beaucoup n’ont pas accepté qu’un gouvernement australien ait pu un jour leur demander pardon*.
Ange lui, ne croit pas trop à une vengeance, comme il ne croit pas à l’idée de sa hiérarchie que ces meurtres puissent être le résultat d’une attaque animale. C’est donc à son ami et ancien amant qu’il va demander d’enquêter discrètement. Le français va donc se rendre sur les lieux et mener sa propre investigation pour le compte du policier.
Sa route va croiser celle d’un jeune aborigène, Alistair, qu’il rencontre dans un bar gay. Intriguant, dégageant une aura mystérieuse et envoutante, son image ne cessera de hanter l’esprit de d’Ashe. D’autant qu’il va rapidement se rendre compte que le jeune aborigène gravite autour de son enquête.
Et si c’était lui, le bras vengeur?
Mais l’histoire est plus complexe qu’il n’y parait , à l’image de celle de ce pays continent.
Au delà de l’intrigue policière, on retrouve derrière la plume d’Hervé Claude le journaliste qu’il n’a finalement jamais cessé d’être. Celui ci nous dresse avec une grande acuité le portrait d’une Australie riche, insouciante face à la crise, dont l’ultralibéralisme et le conservatisme est encouragée par les multinationales minières qui ont la mainmise sur le pays.
Une Australie bouillonnante d’activités et multiculturelle ( Melbourne est l’une des plus grandes villes grecques du monde) mais qui paradoxalement n’arrive pas à intégrer dans son histoire les aborigènes, qui, après les avoir massacré**, restent pour elle comme une mauvaise conscience, une tâche dans sa mémoire. Un peuple autochtone qui depuis reste enfermé et anesthésié dans la camisole de la violence, la drogue et l’alcool .
L’Australie est assez grande pour permettre à deux cultures, deux visions du monde de coexister, mais bien trop vaste pour permettre à deux populations que tout sépare de se regarder dans les yeux et de construire un destin commun. Et c’est bien là, pour le moment, le drame de ce pays qui passionne autant Hervé Claude.
Ce roman est vraiment réussi et vous fera découvrir des aspects d’un pays que nous connaissons finalement très mal, mais qu’Hervé Claude nous aide à mieux comprendre.
Rien que pour cela, il ne faut pas refuser l’invitation au voyage qui vous est faite.
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* En 2008 le gouvernement australien a officiellement demandé pardon aux aborigènes pour les injustices et les mauvais traitements .
** Le roman aborde un des drames peu connu des européens concernant les aborigènes, celui d’un génocide perpétré sur l’ïle de Tasmanie où une battue avait permis d’abattre tous les aborigènes de l’îles comme on abat des kangourous.
Belle introduction à son prochain ouvrage à paraitre le 7 octobre chez l’Aube Noire, “Crystal City”!
oui!! son prochain arrive ! Et on en reparlera bientôt sur Passion Polar car je compte bien lire, et sans doute chroniquer son prochain livre ! merci 🙂
J’adore les polards qui se passent “ailleurs”, me dépaysent et me font entrer dans une nouvelle culture. Je pense que je vais aimer celui-ci !
il devrait te plaire en effet ! et si tu aime ce qu’il écrit sache qu’il en a écrit d’autres! 🙂 bbonne lecture !!! 🙂
… L’invitation au voyage et à la découverte est acceptée .
Découvrir un pays et un peuple par le biais du polar me permet de mieux en cerner (apprécier aussi) l’authenticité et la complexité .
Merci merci
Et peut-être rendez-vous à ” Crystal city ”
😉
le rendez vous est pris Françoise, je ne veux pas passer à côté ! 😉
Belle chronique. Hervé Claude est un auteur que j’apprécie beaucoup et que j’ai eu l’occasion de rencontrer. J’aime beaucoup sa “période” australienne mais les romans de ses débuts valent aussi le détour.
salut l’ami ! merci pour ton commentaire. Effectivement Hervé Claude est un auteur qui mérite que l’on s’interesse à lui ! j’attends avec impatience son prochain qui comme l’indique un visiteur dplus bas dans les commentaires, sort en octobre !!! On en reparlera donc ! 🙂