Quand vous entamez un roman de Maurice Gouiran, vous savez avant même de connaitre la teneur de ce qu’il va vous raconter, que vous vous apprêtez en sa compagnie, à faire un détours par les méandres boueux de l’histoire des Hommes.
Dans “l’hiver des enfants volés” on retrouve des personnages récurrents de son œuvre , en l’occurrence Clovis et Samia.
Quand elle vient le voir à l’improviste à La Vérune , là où il vit à Marseille, Clovis voit les souvenirs remonter à la surface et son cœur s’enflammer à nouveau pour celle qu’il n’a jamais cessé d’aimer.
Car Clovis et Samia, c’est une très longue histoire qui plonge ses racines dans le fracas des bombes et la barbarie des hommes. C’était le Liban, c’était en 1982. Israël avait envahit le pays du cèdre et avait contraint le leader palestinien et ses hommes à s’exiler. Laissée sans défense la population palestinienne allait alors subir la folie meurtrière des phalanges chrétiennes qui massacrèrent sans distinction hommes , femmes et enfants avec la complicité bienveillante des israéliens. C’était Chabra, c’était Chatila.
C’est au milieu de ce carnage que Clovis et François ,alors journalistes tous les deux et couvrant les évènements du Proche-Orient, trouvèrent au milieu de ce chaos indescriptible où la mort venait de déployer ses ailes , une jeune femme terrorisée, rescapée du massacre et belle comme un lever de soleil. Samia.
Ils ne devaient plus se quitter , Samia rentrant avec eux en France. C’est avec François qu’elle choisit de faire sa vie, à Niort, tandis que Clovis resté à Marseille tut à jamais l’amour qu’il lui portait depuis le premier jour. Reste l’amitié , indéfectible .
Aujourd’hui si elle vient le solliciter, c’est parce que François a disparu. A la retraite celui-ci continuait de faire quelques piges pour des journaux, histoire de ne pas rompre totalement le lien avec l’univers qui fut le sien pendant des années. C’est pour l’un d’entre eux qu’il est parti en Espagne enquêter sur un scandale qui était en train de défrayer la chronique de l’autre côté des Pyrénées .
Pour son ami, pour Samia, Clovis va reprendre à son compte l’enquête et partir sur les traces de François, direction Barcelone.
Là bas , il va très vite s’intéresser à une maternité mise en cause dans une des plus glauques et des plus ignobles pratiques du pouvoir franquiste. Celle qui a consisté à enlever des bébés à de jeunes mères en leur faisant croire que leur enfant n’avait pas survécu après l’accouchement, pour les offrir moyennant finances, à des notables proche du pouvoir.
Si ce scandale a fini par éclater au grand jour, provoquant une onde de choque énorme dans la société espagnole, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, et on ne remue pas impunément la boue sans risquer sa peau. Surtout au moment où le Vatican s’apprête à canoniser la religieuse qui pendant longtemps est restée à la tête de cette sinistre institution. Et la menace ne tardera pas à poindre.
Difficile dans ces conditions d’assurer ses arrières, de remonter la piste de son ami sans savoir si l’on va le retrouver mort ou vif, et s’efforcer qui plus est de comprendre le sens de cette quête personnelle que ce dernier semble avoir entamé depuis plusieurs années, et qui dépasse les investigations pour lesquelles il avait pris le chemin de l’Espagne. Cette enquête sera pour Clovis un véritable chemin de croix.
Le dernier roman de Maurice Gouiran est assurément un très bon millésime ! Voilà un écrivain qui marie parfaitement le fait historique à l’intrigue et au suspens. C’est un auteur qui fait œuvre de témoignage.
Car l’écrivain aime à souffler sur la salpêtre de la mémoire. A creuser sous cette pellicule d’oubli et d’indifférence qui s’est accumulé au fil du temps et qui paralyse le souvenir. Il n’a de cesse dans ses romans de mettre en face de ses lecteurs des vérités qui dérangent, qui interpellent et qui appellent à la vigilance. Car la démocratie est un château de sable qui peut du jour au lendemain s’envoler brutalement sous le coup d’une rafale un peu violente du vent de l’histoire.
Avant- hier la guerre d’Espagne, ses charniers et sa ” Retirada”, hier la dictature argentine ,ses folles de mai et ses desaperecidos, et aujourd’hui le régime franquiste et ses funestes maternités.
Mais Maurice Gouiran ce n’est pas seulement cette faculté à faire revivre l’histoire, c’est aussi celle d’emmener son lecteur en ballade dans les villes où se déroulent l’action de son roman. Les quartiers populaires de Barcelone, les terrasses de café et les petits resto catalans où vibre l’âme de cette ville nourrie au soleil méditerranéen. Et dans le reflet du port de Barcelone, celui de Marseille, cité omni- présente dans le cœur de Clovis.
Maurice Gouiran c’est tout ca. La force d’une vérité, aussi sombre soit elle qu’il ne cesse de ramener aux hommes à chacun de ses ouvrages, et la poésie de son écriture autour de ses personnages et du monde qu’il parcourt, comme autant d’hymnes à la vie et à l’amour face à la barbarie des hommes.
Un écrivain humaniste dont il serait dommage de passer à côté.
Si vous souhaitez en savoir plus sur le scandale des bébés volés en Espagne voici quelques liens :
Ta conclusion est imparable, souriceau
😉
j’ai du en lire un de cet auteur et il m’avait laissé plutôt une bonne impression. Ce sujet m’a l’air intéressant je me le note.
je n’ai pas tout lu de Gouiran, mais tout ceux que j’ai lu m’ont vraiment plu, donc je ne pense pas que tu sois déçu par la lecture de celui-ci Phil.
J’ai failli l’acheter hier en librairie. Et puis j’ai vraiment trop à lire en ce moment, mais j’y viendrai, c’est certain. Cette histoire d’enfant volés s’est malheureusement prolongée au-delà du franquisme, jusqu’à l’aube des années 80, c’est-à-dire une fois la démocratie revenue… mais bien sûr, les hommes et les pratiques étaient toujours bien là…
oh ca a même duré encore plus longtemps que çà, jusqu’aux milieu des années 80 début des années 90 soit près de 25ans après la mort de Franco ! Une pratique d’ailleurs propres aux états fascistes, puisque l’Allemagne nazie avait ses lebensborn, qu’évoque d’ailleurs l’auteur, et il me semble pas me tromper en disant que sous la dictature des généraux en Argentine c’était la même chose. En tout cas c’est effectivement un bon bouquin un lire ! Tiens, tu es débordée de livres à lire ?? c’est étonnant çà 😉 la rentrée litteraire y serait pas pour quelque chose ?? Amitiés et bonne lecture !!!!
Souriceau, je suis complètement en accord avec ton avis. J’ai également beaucoup aimé ce livre, et j’aime beaucoup la façon qu’a Maurice Gouiran de nous faire appréhender l’Histoire et ses périodes plus ou moins troublées. A mes yeux, une belle réussite!!!
Bonjour Vincent ! Oui c’est un très bon roman ! moi qui suis un passionné d’histoire j’avoue que j’en apprends tout le temps avec cet écrivain ! Je ne sais pas si tu as lu ” Franco est mort jeudi” mais c’est l’un de mes préférés , si tu ne l’as pas encore lu je te le recommande vivement il te plaira j’en suis sûr ! Amitiés 😉
Un bien joli billet !
J’aime l’idée du documentaire sur une période très glauque de l’Histoire contemporaine en filigrane d’une intrigue policière .
Je ne connais pas du tout mais c’est noté pour quand j’aurai le temps .
Amicalement 🙂
Merci Françoise ! tu connais pas Maurice Gouiran ? Il te faut absolument le découvrir !! surtout si tu aimes l’histoire ! 😉
Coucou Petite Souris,
Je le mets dans mes bagages pour partir à la montagne. Ta chronique me met l’eau à la bouche et je la relirai quand j’aurai écrit ma petite bafouille à moi. Ainsi que celle de l’ami Pierre, cela va de soi. C’est qu’il est mis à l’honneur, ce chenapan.Je note également “Franco est mort jeudi”. Amitiés.
salut Jean !! veinard que tu es de partir à la montagne quand je m’apprête à reprendre le boulot ( mais je t’avoue je suis impatient vu que tu sais que je change de métier cette année! ). Je sais combien tu aimes ces auteurs qui ont des choses à dire ! C’est le cas de celui ci, qui en plus accompli un devoir de mémoire salutaire pour des lecteurs qui n’ont pas forcément connu ces périodes sombres de l’histoire, et pour lesquelles nos démocraties ont été par trop complaisantes à mon goût. Je te souhaite de bonnes vacances et une très bonne lecture mon ami ! 🙂
Je savais que ce “trafic” avait existé au temps de la junte en Argentine, mais je suis étonnée de découvrir qu’il avait continué en Espagne bien des années après le départ de Franco. Et ta chronique ne laisse pas le choix : encore un à ne pas manquer !
oui c’est effectivement le plus effrayant dans cette histoire c’est de savoir que ce scandale à perduré bien au delà de la mort de Franco, en plein coeur de la démocratie retrouvée !! ca fait froid dans le dos ! Le roman devrait te plaire j’en suis sûr ! amitiés 😉
Coucou^^ Il est déjà noté dans ma wish-list !!! 😉
héhé je t’ai déjà dis que tu avais bon goût ?? 😉