ZAD, le mot à la mode du moment. Zone à défendre pour les uns, zone à détruire pour les autres, tout dépend du côté de la ligne où l’on se trouve.
Tout avait pourtant commencé par une victoire.
Après des semaines d’occupation et de guérilla judiciaire devant les tribunaux, les activistes de la ZAD de Zavenghen, dans le nord de la France, avaient vu la justice leur donner raison. Le complexe multimodal qui devait être construit pour recevoir des centaines de containers ne verrait jamais le jour.
Sauf que les zadistes devaient aussi évacuer les lieux.
Alors le combat avait continué et les flics n’avaient pas tardé à rejouer leur petite musique au rythme de la matraque !
Camille Destroit est un brave gars que la vie a balloté et malmené avant de le recracher sur ce bout de terrain aujourd’hui si convoité.
La quarantaine passée, un peu désabusé, il éprouve de l’empathie pour ces gus qui défendent cette terre promise au bétonnage. Au point de finir par en accueillir quelques-uns chez lui, dans cette vieille bicoque qu’il a héritée de ses parents aujourd’hui décédés.
Parmi eux se trouve Claire. Une jeune femme bien plus jeune que lui, qui ranime son cœur meurtri du départ de sa femme, et des aléas d’une vie cabossée. Sentiments troubles qu’entretient la jeune femme, laissant Camille dans un entre-deux sentimental qui n’est pas pour lui déplaire.
C’est d’abord de biais que Camille regarde cette lutte se dérouler sous ses yeux. Lui apporte soutien logistique et abri, mais ne participe pas aux manifs et barricades. Même s’il est chef de rayon dans un hyper dédié aux produits bio, ce combat n’est pas encore vraiment le sien.
Il faudra que sa grange soit mystérieusement incendiée, qu’il soit brutalement licencié de son boulot, et enfin qu’il soit passé à tabac par des nervis des tenants de ce projet pourtant officiellement abandonné pour qu’il le devienne.
Mais c’est alors un homme en colère qui va rentrer dans la lutte qui ira très loin dans l’action.
Jean Bernard Pouy ne laisse jamais indifférent. Figure incontournable du roman noir hexagonal, c’est d’abord un homme haut en couleur, anar et bon vivant, roi du jeu de mot (parfois volontairement lourdingue) et terriblement attachant.
Mais c’est aussi un écrivain remarquable qui sait comme nul autre pareil croquer le monde qui l’entoure, riche d’un vocabulaire argotique et populaire dont il comble ses lecteurs à chacun de ses ouvrages.
S’il peut être ironique, voire caustique, il n’oublie jamais d’entourer ses personnages d’une certaine tendresse toujours palpable. Et quand il dénonce, ici le capitalisme et ses ravages, la corruption et les sous-fifres qui s’y asservissent, c’est toujours enrobé d’un humour omni présent où le calembour tient lieu de bombe lacrymo.
La ZAD est un sujet hautement d’actualité. Pourtant J. B Pouy évite de s’y casser la pipe en s’enfermant dans un discours qui serait revanchard et moralisateur.
Il observe ce monde qui s’agite où la défense de ces zones humides tient lieu d’exutoire à une colère qui parcourt certaines couches de la population, où l’aspiration à un retour à la terre marque la prise de conscience d’une mondialisation qui après avoir gobé les hommes, avale aujourd’hui la terre, déracinant un peu plus ces derniers.
C’est au milieu de ce petit monde en révolte qu’il pose ce personnage de Camille Destroit.
Un homme qui a conscience d’avoir raté plus ou moins sa vie, désabusé, voire nostalgique, ne sachant plus trop où conduire sa vie . Sans doute pour cela qu’il ressent parfois ce besoin de s’éloigner, de prendre sa voiture pour filer en Bretagne, à Saint Guénolé, auprès de ses amis piliers de bar, histoire purger son esprit.
Camille est en quête d’un but, d’une raison de se battre encore qui lui permettrait d’assouvir cette pulsion salvatrice de se prouver qu’il est encore vivant.
C’est sans doute pour cela, animé par un esprit de vengeance et de justice, un poil manipulé aussi par la beauté juvénile de Claire, qu’il finira par se lancer dans une sorte de baroud d’honneur, un combat féroce contre ceux qui l’auront mis en colère !
Car à cause d’eux, Camille a fini par trouver sa ZAD.
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