Après nous avoir bluffés avec sa trilogie Benlazar sur l’émergence du terrorisme islamiste et ses répercussions sanglantes dans le monde et en France ( si vous ne l’avez pas lu, foncez l’acheter ! ), Frédéric Paulin nous revient , avec une nouvelle trilogie qui s’annonce aussi ambitieuse que magistrale.
C’est au Liban cette fois-ci que l’auteur nous transporte, à la genèse de ce qui va donner une des plus effroyables guerres civiles du XXe siècle et qui va déchirer durablement ce petit pays, écartelé entre les conflits communautaires et les jeux d’influences internationales.
Et l’auteur de nous offrir à nouveau un récit aussi dense que bouleversant, où à travers des destins entremêlés, il dépeint une fresque humaine et historique d’une rare intensité.
Le lecteur n’attendra pas longtemps avant d’être plongé dans le drame de ce pays.
Dès les premières pages, Frédérique Paulin campe un Liban fracturé par les clivages religieux et communautaires.
Beyrouth, autrefois surnommée “le Paris du Moyen-Orient”, sombre dans le chaos après que des phalangistes chrétiens aient massacré les occupants d’un bus palestinien en représailles d’une fusillade contre Pierre Gemayel leur Cheikh.
La richesse culturelle et le cosmopolitisme qui faisaient la fierté du pays vont alors céder la place à une violence omniprésente, où chaque camp se bat pour sa survie.
Au centre de cette tourmente, des personnages se débattent avec leurs idéaux et leurs contradictions.
Nassim Nada, patriarche chrétien dépassé par les évènements, qui garde l’espoir d’un retour à un Liban apaisé.
Son fils Edouard, guerrier dans l’âme qui lutte pour protéger sa communauté, quitte à verser dans les pires atrocités, tout en se confrontant aux divisions internes qui gangrènent les Phalanges libanaises
Pierre son autre frère envoyé en France défendre auprès des politiques français les intérêts des chrétiens d’Orient, tout en s’investissant dans le RPR naissant.
Aussi un jeune milicien chiite, qui découvre que ses engagements le mènent sur une voie où la loyauté et la trahison s’entremêlent dangereusement.
Et Philippe Kellerman, diplomate français désabusé, qui voit ses certitudes vaciller face à un amour interdit et à l’ampleur de la tragédie qu’il observe.
Bien d’autres protagonistes peuplent les pages de ce roman captivant. Frédéric Paulin excelle à donner vie à des personnages qui vibrent d’émotions authentiques. À travers eux, il nous fait ressentir toute la douleur des pertes, la trahison des idéaux, et la quête désespérée d’une paix impossible.
L’un des points forts du roman est son refus de simplifier l’Histoire. Frédéric Paulin dépeint avec précision les tensions et les alliances éphémères, parfois contre nature, qui opposent et unissent chrétiens maronites, musulmans sunnites, chiites, Druzes et Palestiniens.
Chaque groupe est tiraillé par ses propres luttes intestines, LES ambitions personnelles, et ses divisions idéologiques.
Cette complexité donne au récit une authenticité saisissante, tout en soulignant l’impossibilité de réduire le conflit libanais à une simple opposition binaire et simpliste.
Mais « Nul ennemi comme un frère » ne se limite pas aux rivalités locales.
l’auteur explore également le rôle des grandes puissances dans cette guerre.
Car comme si cela ne suffisait pas au malheur du Liban et de ses habitants, Israël, la Syrie, l’Iran, mais aussi la France et les États-Unis apparaissent comme des acteurs omniprésents, manipulant les factions locales pour servir leurs propres intérêts stratégiques.
Les accords secrets, les promesses non tenues, et les manœuvres politiques sont décrits avec une grande acuité , avec des conséquences parfois dramatiques qui s’appellent par exemple Sabra et Chatila, où l’horreur atteindra son paroxysme.
Mais cette ingérence aura aussi un coût humain très élevé pour certaines puissances étrangères, à commencer par la France, qui verra le terrorisme arriver sur son sol, ou bien encore perdre des dizaines de ses soldats dans l’attaque du Drakkar.
Le style de Frédéric Paulin, vif et précis, donne une dimension presque cinématographique au récit. On se retrouve dans les salons feutrés de Paris, où les diplomates échangent sur des accords qui décideront du sort de milliers de vies, avant d’être projeté dans les ruines de Beyrouth, au cœur des combats.
Ce contraste entre les enjeux globaux et les drames personnels confère au roman une intensité inédite.
“Nul ennemi comme un frère” est un roman noir historique exigeant, mais terriblement captivant.
Par son équilibre entre précision historique et profondeur littéraire, il parvient à rendre accessible une période complexe tout en ébranlant le lecteur par son intensité émotionnelle.
Une fresque magistrale, nécessaire et inoubliable, qui confirme le talent de Frédéric Paulin à mêler l’Histoire et la fiction avec une maîtrise impressionnante.
ACQUISITION : LIBRAIRIE
0 commentaires