RECIT D’UN AVOCAT

17 septembre 2017

Roman de

Antoine Brea

Édité chez

Seuil

Date de sortie
2 mars 2017
Genre
Policier
Pays de l'auteur
France

En début d’année, les éditions SEUIL nous offraient une nouvelle collection dédiée au roman noir.

Plusieurs titres y sont déjà parus, mais « Récit d’un avocat » est le premier signé d’un auteur français, pour qui c’est aussi, d’ailleurs, le premier roman.

« Récit d’un avocat » n’est pas à proprement parlé un polar judiciaire au sens où vous n’y trouverez pas de joute de prétoire, de retournements de situation spectaculaires, comme on a l’habitude d’en lire dans ce genre de roman.

Ici l’auteur fait un choix diffèrent.

A travers le regard d’un jeune avocat encore novice, attaché jusqu’ici à des tâches subalternes, l’auteur nous donne à découvrir le parcours d’un homme qui a commis un crime odieux, et qui risque la mort si une fois libéré après avoir passé seize ans derrière les barreaux, celui-ci est renvoyé vers la Turquie.

Car l’homme est kurde, et son affaire est une sombre histoire d’honneur qui a mal tournée.

Nous découvrons d’ailleurs dans la première partie du roman, le cheminement meurtrier de ce criminel et toutes les conséquences judiciaires de son acte.

Au pays, la famille de la victime elle, n’a rien oublié, et elle attend son heure pour prononcer son propre verdict, avec la vengeance pour seule réquisitoire.

De prime abord, voilà donc le lecteur embarqué pour l’histoire classique d’un homme qui se bat pour sa survie et celle de son avocat engagé à tout faire pour l’aider à y parvenir.

Déjà vues et lues bien des fois me direz-vous.

Sauf qu’au fil des pages, Antoine Brea décentre peu à peu l’attention de son lecteur du sujet criminel pour le porter progressivement, sur ce jeune avocat sans saveur.

Car celui-ci serait quasi transparent tant son rapport à la société n’est qu’un effleurement, et dont le contact avec elle est une source perpétuelle d’angoisse.

Pourtant, paradoxalement, reste en lui cette envie d’être utile, de rendre service.

 C’est sans doute cela qui l’a poussé à accepter la demande de cette visiteuse de prison d’aider ce détenu kurde qui s’apprête à mourir de se retrouver libre.

Ce changement d’angle s’opère aussi dans l’atmosphère du roman à mesure que cette histoire banale se transforme progressivement en engrenage, alors même que notre avocat commence à prendre de l’épaisseur et gagner en humanité.

Celle-ci s’alourdit à mesure que le narrateur dévoile au fil des pages un grand désarroi, laisse entrevoir son doute existentiel, voire témoigne d’une certaine souffrance au monde.

Au fil des choix qu’il va successivement opérer tout au long de cette narration, il va inconsciemment mettre en place une mécanique implacable qui va peu à peu se refermer sur lui et l’amener au bord d’un abîme vertigineux, alors même qu’il commence à retrouver le sens des choses.

Avec une écriture sobre, dépourvue du moindre dialogue, Antoine Bréa offre une vision différente du monde judicaire que l’on a l’habitude de côtoyer dans nos lectures.

Sans doute parce que lui-même est un avocat de métier, il démontre à travers cette histoire, avec son expérience et sa plume concise, que contrairement à ce que l’on trouve dans bien des romans, il n’y a jamais d’affaire linéaire.

 Que le drame est toujours le résultat de petites choses, de petits aléas et incidents qui se télescopent et se bousculent pour nouer celui-ci.

Sans doute aussi parce qu’au-delà du drame lui-même, c’est d’abord aux hommes que l’écrivain s’attache, pris au piège de leur propres erreurs ou de l’injustice du monde.

Qu’il soit coupable ou victime, Antoine Bréa témoigne de beaucoup d’empathie pour l’humain que la justice à tendance à rendre transparent et secondaire.

« Récit d’un avocat » est certes un court roman, mais d’une densité incroyable par l’angle narratif que choisi l’auteur et les thèmes qu’il aborde à travers l’histoire (droit d’asile, filière migratoire, etc.) de cet avocat incapable de décider de son propre destin.

Belle surprise que la réédition de ce roman de qualité par les éditions SEUIL à l’occasion du lancement de leur nouvelle collection. Gageons qu’elles auront à cœur de publier les futurs œuvre de cet écrivain prometteur. Nous on a bien aimé.

2 Commentaires

  1. Lili

    Coucou petite souris,
    j’ai découvert ce livre un peu par hasard en me promenant dans les allées du salon du livre (que j’adore…) je flâne je regarde et je découvre, et notamment ce livre.
    Tu le décris très bien et je partage ton point de vue.Roman court mais qui nous agrippe et ne nous lâche plus, car cet avocat presque insignifiant nous intrigue et on s’apitoie un peu sur son sort, mais au fil du livre il prend de l’ampleur et ….. mais je ne dirai rien de plus sauf qu’il faut le lire pour connaitre la fin particulière de petit roman qui ne demande qu’à être lu.

    Réponse
    • La petite souris

      bonjour et merci pour ce commentaire.Je suis très heureux que tu partages mon point de vue sur ce roman ! un petit bijou de roman je suis bien d’accord avec toi !!! 🙂

      Réponse

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