En 2018 Nicolas Mathieu créait la surprise en recevant le prix Goncourt pour son très beau roman « Leurs enfants après eux ». Le succès en librairie qui avait précédé l’obtention du prix s’en trouva évidemment démultiplié.
Étonnamment c’est avec un très court texte, pas plus de 70 pages, que Nicolas Mathieu nous revient .
Rose a la cinquantaine. Si elle est encore séduisante, le temps fait son œuvre en laissant au fil des ans les traces de son passage.
Célibataire, elle en est revenue des hommes comme de la vie.
Si elle a élevé deux enfants, qui aujourd’hui adultes ne lui donnent des nouvelles que deux fois par an, elle n’attend plus rien de la gent masculine. À son contact elle n’a reçu d’elle, davantage de souffrance que d’amour.
Le sexe n’est pas exclu de sa vie pour autant. Une rencontre sans lendemain de temps en temps via un site spécialisé suffit à son équilibre. Mais Rose est prudente. Elle sait combien les hommes peuvent parfois être retors, voire violents. Alors elle ne se sépare plus du petit pistolet qu’elle garde dans son sac à main. Pour le cas où.
Non, son truc à elle aujourd’hui, c’est de retrouver sa copine Marie Jeanne, coiffeuse de son état, avec qui elle trompe sa solitude tout en éclusant des verres de bière qui la rendent euphorique.
Ainsi en est-il de son train-train habituel, entre son boulot de secrétaire de direction et ses soirées au Royal. Une vie sans relief, mais sans soucis non plus.
Pourtant, un soir, un homme rentre brusquement dans le bar où se trouve Rose. Dans ses bras, son chien qui vient d’être percuté par une voiture. La bête souffre terriblement et n’a aucune chance de s’en sortir. Alors Rose extrait son calibre 38 de son sac et achève l’animal.
Quelques jours plus tard, l’homme se manifeste. De fil en aiguille, de rendez-vous en échange, Rose qui s’était promis de ne plus se faire avoir par un homme se laisse peu à peu embarquer dans une nouvelle idylle, qu’inconsciemment peut-être, elle espérait toujours.
Le retour à la réalité va être particulièrement brutal.
C’est une histoire banale que nous raconte Nicolas Mathieu, quelle en est glaciale ,tant elle offre à lire le quotidien de bien des femmes de notre pays et d’ailleurs, qui aux promesses de l’amour voit succéder la violence des coups et la désillusion qui l’accompagne.
Car c’est bien le sujet de la violence qui leur est faite qu’aborde l’auteur dans cette novella.
Sans pathos, mais avec une vraie finesse dans l’écriture, Nicolas Mathieu nous dépeint cette réalité ordinaire dans laquelle surgit le drame, où la domination masculine s’imprime en filigrane tout au long de la vie de cette femme qui n’aura de cesse de lutter pour s’en soustraire.
Mais le destin est parfois prédateur, et il ne lâche pas si facilement sa proie.
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