On aime a dire que le hasard fait parfois bien les choses. A croire que cette fois ci celui-ci s’est pris les pieds dans le tapis et s’est rétamé en foirant lamentablement son coup. Car c’est au moment où je m’apprêtais à écrire cette chronique dédiée à l’ultime aventure de Kurt Wallander, que j’apprends à la radio la mort de son créateur, Henning Mankell.
Tout le monde connaît Henning Mankell. Qu’on aime ou non son œuvre, il fut un des symboles de cette déferlante venue du Nord qui aujourd’hui encore, inonde les présentoirs de nos librairies.
Cette mode qui a fait ,et fait encore, le bonheur des éditeurs français a charrié avec elle , disons le, pas mal de nanars à deux balles qui n’auraient pas rencontré le succès s’ils n’avaient été estampillés ” nordiques” et n’avaient profité de tout le tintamarre marketing qui allait avec pour faire grossir cette poule aux oeufs d’or tombé du ciel avec Stieg Larson.
Heureusement , certains auteurs sortent effectivement du bois, et Hening Mankell est de cela. Je laisserai à d’ autres le soin de dresser le parcours littéraire d’Hening Mankell pour dire simplement que c’était un auteur complet, révélé par le roman policier, mais qui aussi mis sa plumes au service de la littérature jeunesse, et que ses incursions en terre blanche ont aussi donné de magnifiques romans.
“Une main encombrante” qui vient de paraître aux éditions Points dans sa version poche, marquait déjà en soi un événement, puisqu’il s’agissait véritablement de la dernière aventure de l’inspecteur Kurt Wallander, ce personnage quasi iconique qu’ Henning Mankell a su imposé au fil de la douzaine de romans qui lui a consacré.
Forcément, la lecture de cette ultime aventure ( qui se situe en fait entre les deux derniers romans de la série ) prend d’un coup une autre dimension quand on sait aujourd’hui que Mankell n’écrira plus.
Sous cette lumière brutale et froide de la réalité, on se demande finalement si ce personnage qui nous apparaît si fatigué dans “une main encombrante” , ne portait pas déjà en soi le deuil de son créateur, et s’il n’avait pas conscience que lui aussi arrivait au bout du chemin.
C’est donc un Wallander en fin de carrière que nous retrouvons dans ce court roman de 160 pages, (qui initialement était une nouvelle et que Mankell a décidé de reprendre),au moment où celui ci se décide enfin à acheter une petite maison pour y passer sa retraite qui sonne à la porte de son existence.
C’est au cours de la visite d’une vieille bicoque qu’un de ses amis met en vente, que Wallander vient à trébucher dans le jardin sur quelque chose qui effleure le sol.
Un bout de squelette. Une main, qui semble se tendre vers lui , comme une invitation à embrasser le monde des morts. Mais une main que l’inspecteur va tirer vers celui des vivants pour déterrer un passé vieux d’une cinquantaine d’années, le renvoyant vers un racisme à l’époque déjà ordinaire.
Si dans l’œuvre d’ Henning Mankell l’enquête prime sur le personnage, l’auteur éclaire celui ci d’une autre lumière, et nous donne à voir un flic désabusé, usé, qui n’attend plus rien de la vie, mais qui garde malgré tout au fond de lui cette petite flamme d’opiniâtreté qui le pousse toujours à vouloir découvrir la vérité coût que coûte.
Alors il continu à faire ce qu’il sait faire le mieux. Il enquête, sans passion et sans idéal, juste parce qu’il n’aime pas la vérité silencieuse. Et comme à son habitude, la fin approche à pas feutrés, masquée sous les mots, pour surgir au détours des ultimes paragraphes.
Dès les premières pages de ce roman, je l’ avais trouvé emprunt d’une certaine forme de tristesse et de mélancolie. A la lumière de l’actualité, j’imagine sans doute que l’auteur savait qu’il couchait là ses derniers mots. Que cette vieillesse et la maladie qui allait toucher son personnage allait finalement l’emporter lui aussi.
Henning Mankell et Kurt Wallander sont étroitement lié l’un à l’autre, ca ne surprendra personne. Et si le roman se lit avec le même plaisir que les autres titres de l’auteur, celui ci reste surtout intéressant pour le chapitre que Mankell consacre en fin de livre, au rapport qu’il a entretenu avec ce personnage qui a pris tant et trop de place dans son œuvre, et ce au moment même où lui même achevait sa vie d’homme et d’écrivain.
Restera donc toute une biographie qui perdurera encore longtemps, quand d’autres soit disant chefs d’œuvres nordiques, auront depuis longtemps disparu dans les poubelles de l’édition.
Une bibliographie , écrite par un homme qui ne fut pas seulement un écrivain, mais aussi un témoin de son temps, un militant engagé dans la lutte contre les discriminations et le racisme, dont combat permanent imprègne en filigrane toute son œuvre.
Tous les romans d’Henning Mankell sont publiés au Seuil pour les grands formats, et aux éditions Points pour les poches.
…Une très jolie chronique qui rend un hommage mérité à un auteur complet , un Mécène, un Humaniste profondément généreux et sensible qui a fait de l’Art en général et de la Littérature en particulier un outil au service , entre autres , d’une Afrique méconnue et opprimée . Deux belles biographies à découvrir .
Un auteur que j’adore .
Merci
Que te répondre à part te dire merci pour ce si gentil commentaire !! 🙂
Salut Bruno
Je tiens également à témoigner de ma véritable admiration pour l’oeuvre de Henning Mankell comme je l’ai fait dans le blog de Claude Le Nocher.
Merci pour cet hommage même si tu à ravivé ma profonde tristesse.
J’adorais MANKELL et je suis encore plein d’émotion en t’écrivant ce petit mot. Je possède et j’ai lu tous ses bouquins dont les derniers “l’homme Inquiet et une main encombrante ” L’homme inquiet “, dernier des Wallander , m’avait déjà laissé comme une boule au milieu de l’estomac . Pour moi ce Fut un GRAND AUTEUR profondément humain !!!! Heureusement il nous reste ses livres , ses reliques en quelques sortes , en parcourant ma bibliothèque je me remémore les merveilleux moments à la lecture de ses “Romans d’Enquêtes”, qui à mon sens était bien plus que des “Polars”, avec cette lenteur où l’on savourait cette recherche permanente du sens de la vie personnelle et sociétale en même temps que celle de l’assassin
Je suis en train de lire “Le Chinois” un des rares que je n’ai pas lu et à chaque page je me demande : mais “Où est WALLANDER” ??? .
A bientôt Bruno et merci pour ton super boulot
bonsoir Robert ! Malheureusement nous n’aurons plus ce plaisir à découvrir le ” nouveau” Mankell. Mais nous reste ces beaux romans à relire à l’occasion, ou pour ceux qui ne connaissent pas encore l’écrivain ( sisi y en a !!) ! Malheureusment ” le chinois” est sans doute le roman le moins bon de tout ceux qu’a écrit Mankell . Merci pour ton témoignage !
Bonjour Bruno
Je termine le livre de Henning Mankell ” Le chinois”, un livre écrit “Hors Wallander” et j’ai envie de te donner mon avis .
Et c’est vrai qu’au début, lors de la mise en place de l’intrigue ” Je me suis posé la question : Mais où est Wallander ?
Puis j’y ai aussi trouvé quelques lassitudes lors la longue épopée des 2 frères Chinois dans la construction de la ligne de chemin de fer à travers le desert et les montagnes du Névada.
Un aspect peu glorieux de la Grande Amerique ( mais l’avenir nous fera découvrir d’autres épisodes aussi dégeulasses !!!)
Enfin l’intrigue reprend en Suède , puis on passe en Chine afin de découvrir et de tenter de comprendre l’évolution des moeurs de cet immense pays .
On est entraîné dans l’engrenage des machinations géopolitiques .
On comprend les manoeuvres ,sous couvert d’assistance, de la puissance chinoise vers les pays d’Afrique, dans le but surtout d’éviter les débordements au sein de sa société de laissé pour compte .
Puis enfin l’apothéose finale de la fin de l’enquête.
J’ai refermé ce livre en pensant que décidement Mankell était un sacré sociologue .
Voilà pourquoi contrairement à ton opinion , je ne pense pas que ce livre soit un des moins bon écrit par Mankell.Il est différent mais tout à fait digne d’interêt !
Amitiés
Robert
Bonsoir Robert ! et merci beaucoup pour ce retour précis que tu me fais de ce roman. Je suis content que tu l’aies apprécié. Comme tu le sais, pour ma part, il ne m’a pas laissé un souvenir imperissable à mon tour de t’expliquer pourquoi. Dans la chronique que j’avais faite à l’époque de ce roman ( qu’à l’occasion sans doute je remettrai en ligne car publiée sur l’ancien site) j’écrivais ceci :
Une histoire de vengeance qui traverserait le temps et les générations qui laisse dubitatif.
Des personnages parfois caricaturaux, une conception trop manichéenne des choses, à l’image de ces responsables politiques chinois que nous découvrons dans le roman.
D’un côté les « bons » communistes conscients des erreurs du passé mais fidèles à l’idéal de Mao , qui garderaient à l’esprit l’intérêt du peuple, à l’image du personnage de cette jeune Hong, sage et douce , comme pouvait l’être cette Chine ancestrale et immuable inscrite dans notre imaginaire collectif.
De l’autre, des dirigeants investis dans les affaires et assoiffés de pouvoir et d’argent représentés par un personnage froid , brutal et calculateur , dépourvu de sentiment , qui fait fi du passé, et prêt à tout pour parvenir à ses fins.
et puis de mémoire, il y a ce projet en Afrique que je trouve par trop rocambolesque. Voilà ce qu’à l’époque je pensais. Je précise aussi que j’indiquais que tout n’était pas à jeter dans ce roman, bien au contraire, mais ces point que je viens d’évoquer m’ont fait dire que ce n’était pas loin s’en faut à mes yeux, le meilleur roman de l’auteur.
En tout cas, ton avis est argumenté et je le respecte tout à fait. C’est toujours interessant d’échanger des points de vue différents, de se nourrir du regard de l’autre sur un livre § je te remercie à nouveau Robert d’avoir pris le temps de m’exposer ton opinion sur celui-ci !! A bientôt zutour d’un autre roman j’espère ! j’ai pris plaisir à échanger avec toi. Amitiés.
Merci Bruno pour ta réponse qui m’a fait plaisir, car j’ai hésité quelque peu avant de t’envoyer mon avis.
A tout hasard je t’envoie un lien vers un article du Nouvel Obs republié à l’occasion du décès de Mankell (surtout son avis vis à vis de la Chine !)et ce ne serait pas la première fois que la réalité pourrait dépasser la fiction
http://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20080108.BIB0580/ce-qui-me-revolte-par-henning-mankell.html
Amitiés
Robert
faut jamais hésité Robert ! 😉 tu vois tu as bien fait, ca nous a donné l’occasion d’échanger longuement ! je file lire ton article ! amitiés 🙂
Quelle jolie chronique mais si triste… Et je dois avouer que je fais partie de celles (et ceux) qui ne connaissent pas (encore) cet auteur, mais au vu de ta chronique et des commentaires des autres lecteurs, c’est une lacune à laquelle il me faut remédier très rapidement.
Quel chance tu as de n’avoir pas encore decouvert Henning Mankell ! tu as de sacrés bons moments de lecture qui t’attendent !!! Crois moi tu ne le regretteras pas !!! 🙂 Et si tu aimes aussi la littérature blanche intéresses toi aussi à ses livres qu’il a écrit dans ce registre. La preuve qu’un auteur de polar est aussi et avant tout un écrivain, un vrai ! 🙂 Amitiés
Une jolie chronique, et je dois avouer que le premier “nordique” que j’ai lu et bien c’était lui. Il faudrait que je finisse de lire la série des Kurt Wallander, commencée il y a 10 ans, et je vais peut être, enfin, pouvoir les lire dans l’ordre 😉
Merci beaucoup Laurence ! je vois que tu tiens un site toi aussi, jirai te rendre visit de temps en temps 🙂 Ah oui il te faut lire la serie des Wallander, et t’as pas idée du plaisir qui t’attend ! 🙂 A bientôt !
J’aime beaucoup cet auteur.J’ai lu tous ses bouquins qui sont vraiment super. Dommage qu’il soit décédé. J’attendais toujours avec impatience une nouvelle sortie
c’est effectivement un auteur à découvrir ou à redécouvrir, y compris ses quelques romans qui ne se rangent pas dans la catégorie polars.