Il y a des noms qui grésillent à nos oreilles depuis tellement longtemps que nous n’y prêtons plus vraiment beaucoup d’attention ; de ces noms qui pourtant, quand on s’y intéresse, font immédiatement surgir dans notre esprit des images de violence et de sang, de morts, de destruction, de cris et de fureurs. Des noms qui semblent porter en eux toute la fatalité du monde.
Israël, Palestine, Cisjordanie, Bande de Gaza, font partie de ceux là. Ils nous sont devenus si familiers que l’on aurait presque la fausse impression d’en connaître l’histoire par cœur. Une histoire qui rythme la
vie du monde et le déchire en deux.
Mais au delà de ces images quotidiennes d’un conflit qui empoisonne l’humanité et qui dresse les civilisations et les religions les unes contre les autres, de ces séquences devenues télé-réalités malsaines à l’heure où nous nous gavons à table, que savons nous de la réalité quotidienne de ces peuples qui s’affrontent?
Avec “Une terre pas si sainte”, Pierre Pouchairet nous emmène au delà de la fumée du tumulte proche oriental et nous plonge dans la réalité vécue au jour le jour par ces anonymes qui subissent l’ Histoire. Car même la bas, la rivière de la vie tente de trouver son chemin.
Etre flic est déjà en soi un boulot à part. Mais l’être en Israël ,c’est sans commune mesure avec ce que peuvent vivre et côtoyer n’importe quel policier dans le monde.
C’est ce que va très vite comprendre le lecteur en suivant Guy et Dany, deux inspecteurs israéliens d’origines française, quand ces derniers sont appelés sur une scène de crime particulièrement horrible, où une famille de colons juifs vient d’être massacrée.
Avec sa connotation terroriste l’affaire prend tout de suite une dimension politique et c’est avec le Shabak, la sécurité nationale, qui prend les choses en mains, que les deux hommes vont devoir composer.
Mais à l’image de l’imbroglio politique du pays, et parce que le meurtre à été commis dans les environs de Naplouse, sous contrôle de l’autorité palestinienne, Maïssa, flic et fille d’un ancien compagnon d’arme d’Arafat, va elle aussi s’intéresser à cette sordide affaire en faisant jouer les réseaux de son oncle. D’autant que de jeunes palestiniens, soupçonnés de ces meurtres ne tarderont pas à être arrêtés.
Très vite celle ci va remettre en cause la culpabilité de ces jeunes. Mais comment faire éclater la vérité quand eux même préfèrent endosser la responsabilité des crimes commis pour passer pour des héros et des martyrs auprès de leur peuple ?
Et comme si cela ne suffisait pas, pour compliquer le tout, voilà qu’un flic niçois rentre dans l’histoire comme un chien dans un jeu de quille, venu en Israël enquêter sur un trafic de drogue de synthèse apparu dans la capitale azuréenne, et dont on retrouve trace à Jérusalem et dans les Territoires.
Bien sûr ces différentes affaires vont s’entremêler, donnant au scénario son épaisseur et sa complexité. Une complexité dans laquelle l’auteur aurait pu facilement se perdre, si sa parfaite connaissance des régions qu’il évoque et des enjeux qui les parcourent n’étaient mis au service de son imagination.
Du coup cela nous donne un roman abouti, crédible, qui offre au lecteur une évasion originale.
Mais la qualité de ce roman ne s’arrête pas à son histoire, il est aussi remarquable pour retranscrire parfaitement une réalité qui habituellement nous échappe.
Celle d’une autorité palestinienne gangrénée par la corruption, plus occupée à sa lutte intestine contre le Hamas que par l’intérêt général d’un peuple qui survit dans le chaos. Celle de cette population corsetée par l’étouffante domination
israélienne qui impose ses corridors , ses règles administratives absurdes, qui la garrote progressivement par le lent grignotage de sa terre et qui finit de lui barrer l’avenir par ses murs qui séparent et accaparent.
Le lecteur n’oubliera pas qu’ “Une terre pas si sainte” est avant tout une intrigue policière, mais c’est aussi un roman fort, percutant, brûlant sur une région du monde qui ne cesse de se nourrir du sang de ses enfants ,que les Editions JIGAL ont eu la bonne idée de publier.
Un livre dans lequel la petite histoire des hommes et des femmes étouffe dans les bras de la grande, et qui nous démontre avec cynisme, que finalement dans ce conflit qui perdure depuis des décennies et qui fige le destin de deux peuples dans leur haine réciproque, seule la drogue et l’avidité des hommes pour le pouvoir et l’argent sont capables de se faire tomber les frontières.
Belle et touchante chronique sur un livre dont le sujet ne peut que toucher (ou alors il faudrait être insensible).
Pas évident de créer une véritable intrigue policière avec un tel environnement. Je note que tu es convaincu !
c’est vrai que camper une intrigue policière dans cette région du monde était assez périlleux. l’auteur y parvient avec talent tout en nous permettant de passer derriere le décors pour voir, sans jamais porter de jugement de valeur, le quotidien de ces gens qui vivent ce drame de deux peuples pour une même terre. Une bonne initiative de Jimmy Gallier de publier ce roman ! 😉
Un magnifique roman, d’où une superbe chronique.
Merci d’avoir mis des mots sur mon ressenti, chère petite souris.
Je doit avouer que j’ai adoré ce titre.
Une étonnante et merveilleuse découverte.
merci 🙂 🙂 c’est que c’est un roman qui sort des sentier battus 😉 content que ma chronique restitue les émotions que tu as eu à lire ce bon roman ! Amitiés 😉
Tellement d’actualité ce polar, pas lu mais certainement à lire !
je confirme Catherine, ce roman est à lire ! depaysement complet, mais surtout vrai plongée dans cette région du monde qu’on croit connaître mais dont on ne sait finalement pas grand chose du quotidien des gens ! 😉